Les femmes politiques ne sont pas vos amies
Pour s’offrir une plus grande visibilité, de nombreuses femmes politiques tentent de se faire passer pour « la bonne copine », notamment sur les réseaux sociaux. Un leurre antiféministe pour la sociologue, Fania Noël.
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© Maxime Sirvins
Souvent décriées lorsqu’il s’agit de stars du divertissement, les relations parasociales sont aussi un fléau de la politique à l’âge néolibéral et de l’intimité fabriquée par les réseaux sociaux. Les écueils de la « politique copine » se sont fait ressentir avec une acuité particulière lors de la campagne des législatives anticipées. Les sympathisant·es de gauche approchant la politique de manière plus informelle sont tombé·es dans l’impasse de la proximité en copinant, voire en transformant en mèmes, des femmes politiques telles que la cheffe de file écologiste, Marine Tondelier.
Le glissement de la bonne copine à la grande sœur, puis à la mère, est une réaction compulsive du patriarcat.
Si on peut prendre cette approche avec légèreté, il faut tout de même être vigilant·es sur les glissements politiques qu’elle porte. En effet, cette approche masque le fait que les femmes politiques, comme leurs collègues hommes, sont engagées dans des luttes de pouvoir, qui incluent la violence politique et des lignes idéologiques. Loin d’être féministe, cette stratégie reprend les stéréotypes reléguant les femmes et leur activité, même dans des secteurs aussi clivants que la politique. Car de la copine à la grande sœur, puis à la maman, il n’y a qu’un pas.
Si le « bon copain » est aussi appliqué aux hommes, le glissement que j’ai cité auparavant ne s’effectue pas de la même façon. Car le lien entre le bon copain et le bon père de famille (1) ne s’effectue pas : les identités masculines existent de manière décorrélée. Le glissement de la bonne copine à la grande sœur, puis à la mère, est une réaction compulsive du patriarcat, décriée par les femmes qui sont amies avec des hommes et souvent transformées en psychologues (2). Même dans le monde du travail, d’employée elle devient la ménagère.
En bons pères de famille, Rose Lamy, éd. JC Lattès.
Lire « Le Uber – des amis qui vous veulent du bien », Fania Noël, Manifesto.XXI
La figure de la grande sœur est aussi connue, notamment dans les familles afro-descendantes, comme le raconte le podcast de Mwasi-Collectif Les Petites Mamans. La figure maternelle, telle que comprise dans une société patriarcale par le grand public, est loin de véhiculer un sens révolutionnaire de combat. Elle est utilisée pour arrondir, pour en faire la nourricière quasiment passive : une personne corvéable à merci et qui, quoi qu’il arrive, sera de votre côté. Ce qui diffère des approches féministes de la maternité ou de la parentalité.
Maintenir la distance est une nécessité
Cette approche masque la violence politique et les positions antisociales des femmes politiques. Certaines femmes politiques, au vu de leur genre, race, orientation sexuelle mais aussi physique, peuvent être vues comme la bonne copine, la mère du peuple, alors que d’autres sont toujours perçues comme agressives. Sans surprise, une des stratégies de la droite et de l’extrême droite pour « humaniser » les femmes politiques est de les mettre en situation familiale, en tant que fille, compagne ou mère. Rappelons-nous de l’interview de Marine Le Pen par Karine Le Marchand en 2021 dans « Une ambition intime » sur M6. Lorsque ces mises en scène sont faites pour des hommes, on s’appuie sur leur sens de la responsabilité et du leadership.
Ne pas traiter les femmes politiques comme des amies est une nécessité non seulement pour elles en tant que professionnelles de la politique, mais aussi pour les individus et mouvements sociaux qui peuvent se retrouver pris au piège. Maintenir la distance est une nécessité pour discerner ce qui embrume au-delà de l’intimité et de la jovialité entretenue par les médias.
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