Agression néonazie à Paris : un rassemblement pour exprimer la colère et organiser la lutte
Après l’attaque de militants de l’organisation Young Struggle par une vingtaine de militants d’extrême droite dimanche soir, un millier de personnes s’est réuni le 17 février dans le 10e arrondissement parisien, pour témoigner sa solidarité et appeler à une réaction.
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© Maxime Sirvins
Ils étaient près d’un millier hier soir, lundi 17 février, rassemblés à Paris après l’attaque, la veille, de militants de Young Struggle. Dimanche 16 février, cette organisation de jeunesse internationaliste et socialiste de la diaspora kurde et turque avait prévu de diffuser le film Z, de Costa Gravas, sur la deuxième vague du fascisme en Grèce. La soirée devait avoir lieu dans les locaux de l’Actit, l’association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie.
Une vingtaine de militants d’extrême droite néonazis ont fait irruption dans le local, habillés en noir et munis de bâtons, tessons de bouteille et d’au moins un couteau. Selon Libération, ils ont laissé derrière eux des stickers : « KOP veille », une référence au KOP de Boulogne, un groupe de hooligans parisiens d’extrême droite. « Paris est nazi ! », « Lyon est aussi nazi », avaient-ils scandé. Une personne a dû être hospitalisée après un coup de couteau. Une manifestation spontanée a eu lieu juste après l’attaque. Hier, 6 militants d’extrême droite ont été interpellés et une enquête a été ouverte pour “tentative d’homicide involontaire”.
La communauté kurde ciblée depuis 2013
Vers 18 heures, le lendemain, les personnes rassemblées dans le froid expriment leur solidarité et leur colère. Les militants de l’Actit, tout comme ceux de Young Struggle, brandissent des drapeaux derrière une banderole blanche « levez-vous, résistez, combattez les fascistes ». « Paris, Paris antifa », scandent-ils dans le froid avant d’écouter les discours.
Ce n’est pas contre n’importe qui. Ce sont des travailleurs immigrés.
« Nous invitons la jeunesse à rejoindre la lutte antifasciste », déclare un militant en préambule. « Nous ne tolérerons pas les attaques racistes, anti immigrées en Europe ». « Quel choc hier soir ! », s’insurge un militant de la CGT. « Une attaque contre qui ? Contre des gens qui organisaient dans un lieu pacifique une soirée ciné débat consacrée aux dangers de l’extrême droite. Ce n’est pas anodin, c’est ultra-violent. Et ce n’est pas contre n’importe qui. Ce sont des travailleurs immigrés. »
Dans les discours qui s’enchaînent, le souvenir des attaques passées contre la communauté kurde dans le 10e arrondissement. Un militant, engagé dans des réseaux de solidarité au sein du quartier, lit un texte signé par plusieurs organisations et alerte : « L’extrême droite qui a assassiné il y a deux ans les révolutionnaires kurdes cible cette fois la jeunesse antifasciste ». « Pas de quartiers pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », entend-on sur la place.
Parmi les quelques députés et élus présents, un élu du 10e arrondissement veut rappeler « toutes les attaques contre les Kurdes et les Turcs depuis 2013. Quand le parquet n’est pas saisi, oui, il y a de nouvelles attaques. » En janvier 2013, trois militantes kurdes avaient été tuées dans Paris, rue Lafayette. Depuis, l’instruction est toujours entravée par le « secret-défense ».
« Submersion de ratonnades »
Au cœur des prises de parole, les militants ont éprouvé la nécessité de rappeler le lien entre ces groupuscules et l’extrême droite partisane. « Ce qui s’est déroulé hier fait partie de la stratégie de l’extrême droite : d’un côté Marine le Pen qu’on nous présente comme soi-disant sympathique qui aime les chats et de l’autre les nervis d’hier. Il y en a qui sèment la terreur dans les rues et d’autres qui ramassent le gain dans les urnes », déclare Dominique Sopo, président de SOS Racisme, dont les militants avaient été tabassés lors du meeting d’Eric Zemmour à Villepinte en 2021, par les Zouaves, un groupuscule d’extrême droite. « Par ailleurs, les ‘submersions de ratonnades’, comme à Romans-sur-Isère, a-t-il ajouté, n’ont jamais été condamnées par des gens qui sont ministres aujourd’hui ».
« Les fascistes sont repartis en laissant des stickers du KOP et du GUD historiquement proche de l’extrême droite », a rappelé quant à elle, une militante du NPA en évoquant aussi le procès récent d’anciens cadres et candidats du RN pour un projet d’attentat néonazi. « Mais Retailleau aussi partage avec Nemésis, la haine de l’immigré », a-t-elle ajouté. Le ministre de l’Intérieur s’était déclaré « très proche » du collectif identitaire fin janvier, avant de rétropédaler.
Une militante de l’Union prolétarienne ajoute : « On est rentrés dans une nouvelle époque. Qui, il y a quelques années, aurait pensé que nos politiciens auraient été les porte-parole de Le Pen ? Quand Bayrou dit qu’on est submergés par l’immigration, c’est du racisme. C’est des positions fascistes. »
Bruno Retailleau « porté disparu »
« Si vous avez des nouvelles de Bruno Retailleau, n’hésitez pas à nous en faire part », ironise pour sa part Raphaël Arnault, député LFI et fondateur du mouvement antifasciste La Jeune Garde antifasciste. « Il est porté disparu depuis l’attaque des néonazis dans nos rues ». « Les fascistes n’avancent même plus à visage caché », a-t-il poursuivi. « On a vu la semaine dernière une succcession de saluts nazis à l’université notamment avec l’UNI. Ces actes ont des répercussions directes sur la rue. » Il conclut : « Nous avons un objectif : abattre le fascisme, abattre chaque outil organisationnel de l’extrême droite des groupuscules au rassemblement national. On va les faire reculer comme il se doit. »
Les discours sont clairs : l’heure est à l’organisation. Un des jeunes qui occupent la Gaîté lyrique depuis le 10 décembre, alerte : « Il ne faut pas que les gens se rassemblent pour pleurnicher, il faut empêcher que ça arrive. Ce n’est pas suffisant de faire des discours, il faut répondre présent quand il y en a besoin. »
Ils savent qu’ils évoluent dans un pays où on parle du grand remplacement. On n’est pas assez ou mal organisés.
Une membre de la Fédération syndicale étudiante abonde : « Ce qui s’est passé hier n’est ni un fait divers ni un cas isolé. Ils savent qu’ils évoluent dans un pays où on parle du grand remplacement. On n’est pas assez ou mal organisés. La police, c’est le réservoir de l’extrême droite. Est-ce que c’est sur eux qu’on va compter pour protéger nos cortèges ? Il faut lier la lutte antifasciste à un programme social offensif. Il ne faut pas s’attaquer aux conséquences du fascisme mais à ses causes. »
« Aujourd’hui, ce que cherchent à faire les fachos c’est de discipliner notre camp social et de faire des exemples dans nos militants. Il faut reprendre nos lieux de travail, nos lieux d’étude, organiser la riposte », assure une militante de Révolution permanente.
Convergence des luttes
D’autres militants soulignent la nécessité de convergence des luttes dans un contexte de montée des extrêmes droites au niveau international. Des militants tiennent une banderole en soutien à Gino, un militant antifasciste albanais menacé d’extradition de la France vers la Hongrie (1). Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen, accusé de violences lors d’une manifestation à Budapest contre le « Jour de l’honneur », rassemblement des nostalgiques du nazisme.
L’audience a été reportée au 12 mars.
Un militant d’une association juive antisioniste prend la parole. « En tant que juifs, nous avons une expérience historique des agressions fascistes. Nous savons qu’à chaque vague d’agressions il faut que tous les gens se mobilisent et pas seulement les gens des communautés visées. » Tarik, du collectif des inverti.es – collectif TPG (trans-pédé-gouine) marxiste, ajoute : « L’extrême droite a tabassé des gays. Quand on a appris hier ce qui s’était passé, on a exprimé notre soutien. Militants LGBT, féministes, antiracistes, il faut un front social uni contre l’extrême droite. »
Un homme, membre d’une organisation culturelle proche de l’Actit, témoigne en tant qu’immigré turc. « En 1945, un de nos camarades, Missak Manouchian a lutté contre le fascisme avec le peuple français et on est sortis du fascisme. Si on est réunis, à la maison, dans nos rues, dans nos quartiers, dans nos villes, nous ne laisserons passer le fascisme nulle part. »
Le millier de personnes réuni réagit aux discours, huant le nom de Bruno Retailleau, reprenant des slogans internationaux : « No pasarán ! », « Jin, jiyan, azadi » (femme, vie, liberté, en persan), « Siammo tutti antifascisti ! »… Les dates des prochaines mobilisations sont données : une manifestation le 8 mars pour la journée internationale des droits des femmes, ou encore le 22 mars à l’occasion de la journée internationale contre le racisme.
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