Bernard Arnault, assisté en chef

Le patron du groupe de luxe LVMH est monté au créneau contre l’augmentation – temporaire – de l’impôt sur les sociétés les plus fortunées, relayé par certains porte-voix médiatiques. Et pourtant l’État ferait bien d’aller plus loin qu’une petite hausse de cette taxe.

Pierre Jacquemain  • 4 février 2025
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Bernard Arnault, assisté en chef
Bernard Arnault, président-directeur général de LVMH, à Paris, le 10 octobre 2024.
© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Une fausse affiche circule abondamment sur les réseaux sociaux. Elle met en scène Bernard Arnault, l’une des plus grandes fortunes mondiales – la première française avec près de 200 milliards d’euros –, assis en pleine rue, l’air de mendier. Avec ce titre : « Une petite pièce pour Bernard : envoyez vos dons ». Cette campagne, imaginée par le Parti communiste français, a de quoi faire sourire. Alors que le gouvernement s’apprête à augmenter sensiblement l’impôt sur les sociétés les plus fortunées dans le cadre du budget 2025, Bernard Arnault s’est ému publiquement de cette hypothèse.

Le chef d’entreprise, président-directeur du groupe de luxe LVMH, estime que cette décision nuirait à la compétitivité des entreprises françaises, les inciterait à délocaliser leur production et fragiliserait le « made in France », alors qu’il n’est question que d’une hausse de taxe de 2 %, uniquement pour la fraction du patrimoine supérieure à un milliard d’euros ! S’agissant des arguments sur les délocalisations et le « made in France », rappelons que, sur les 200 000 salariés du groupe, seuls 20 % occupent des emplois domiciliés en France, soit environ 37 000 salariés, les autres étant dispersés à travers le monde, là où la main-d’œuvre est le plus souvent « bon marché ».

Mais la prise de parole, rare, de celui qui était au premier rang des invités lors de l’investiture de Donald Trump – seul Français présent aux côtés des anciens présidents américains, de Javier Milei et de Giorgia Meloni – a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans la classe politique et économique.

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Le porte-voix de cette dernière, qu’on peut lire dans Les Échos ou entendre sur France Inter, le très attendu Dominique Seux, estime que les entreprises sont « désespérées de ce qui se passe en France », affirmant qu’« elles ont l’impression d’être les seules à vraiment passer à la caisse », a-t-il insisté sur la première radio de France. Sans blague ! Alors, que penser : sont-elles si mal loties les entreprises, en France ? Avec quelque 200 milliards d’euros d’aides publiques, elles sont pourtant le premier poste budgétaire de l’État.

Combien d’aides publiques pour combien de destructions d’emplois ?

On objectera qu’il s’agit là principalement d’exonérations fiscales pour les entreprises, il n’en reste pas moins que ce sont des recettes qui n’entrent pas dans les caisses de l’État – ce qu’Emmanuel Macron a savamment orchestré depuis 2017 en les vidant progressivement et en augmentant le déficit public. En réalité, les entreprises, à commencer par celles du CAC 40 qui versent des dividendes records pour l’année écoulée, soit 100 milliards d’euros, sont les premiers assistés de France. « Oui, mais sans les Bernard Arnault et ses amis, pas d’emploi en France. »

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C’est peu ou prou le discours de Seux et de ses amis milliardaires en réponse à la très légère hausse de la taxation des entreprises qui réalisent plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Combien d’aides publiques pour celles-ci, d’Auchan à Doliprane en passant par Michelin ou Valéo, pour combien de destructions d’emplois ? La CGT estime que 300 000 emplois pourraient être détruits cette année. Les hommes et les femmes de ces entreprises ne sont que des variables d’ajustement de leurs profits.

L’État ferait bien d’aller plus loin qu’une petite hausse de ladite taxe. Il devrait d’abord imposer des contreparties sociales et environnementales à toute aide publique mais surtout, dans l’immédiat, imposer un moratoire à tout projet de plan social. Mais avec un gouvernement acquis à la cause des grandes puissances financières, qui considèrent que la politique doit se mettre au service de l’économie et non l’inverse, ce n’est pas demain la veille. Alors, pour quelques miettes réclamées par l’État, qui ne valent par ailleurs que pour le budget 2025 – le gouvernement a refusé de pérenniser cette surtaxe –, on ne va pas pleurer.

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Parti pris

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