Hanouna, Wauquiez et Retailleau : pas touche à l’État de droit
Non, la fermeture de C8 n’est pas le fait de l’Arcom, comme l’affirme Laurent Wauquiez. C’est le résultat du choix du groupe Bolloré et des manquements de la chaîne, qui en fait la plus sanctionnée de l’histoire de la télévision française.
dans l’hebdo N° 1851 Acheter ce numéro
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« On ne m’enlèvera pas de la tête que cette décision de fermeture de C8, elle est due à une seule chose, c’est que ça appartient à un groupe médiatique qui ne convient pas à certains et qui ne pense pas comme “il faudrait”. » Laurent Wauquiez a encore frappé : normalien puis sorti de l’ENA pour s’en aller au Conseil d’État avant d’entrer en politique jusqu’à devenir président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et député, il ne peut pourtant pas ignorer le rôle central de l’Arcom, l’ex-CSA, dans la régulation des fréquences publiques – en nombre limité, faut-il le rappeler.
Les canaux de la TNT constituent tous un bien public commun, dont la régulation est confiée à l’Arcom.
Reprenons sa vidéo postée sur X afin d’appeler (aux côtés du RN) à soutenir l’opportune pétition de la direction de la chaîne du groupe Canal+ de Vincent Bolloré. D’abord, la fermeture de C8 n’est pas due à l’Arcom, pas plus qu’à une autre autorité administrative et politique – contrairement à l’interdiction inédite de RT France par la Commission européenne au début de la guerre en Ukraine. Mais bien au groupe Bolloré ayant estimé que la chaîne ne pourrait survivre ailleurs que sur l’un des 27 canaux de la TNT qui constituent tous un bien public commun.
Un bien public dont la régulation est confiée, donc, à l’Arcom. Sans « droit de vie et de mort » sur les chaînes bénéficiant de l’attribution d’un canal, mais avec un pouvoir sur leur attribution dans le respect de l’État de droit. En l’occurrence, le respect de la convention de diffusion ayant permis à ces chaînes d’obtenir le canal en premier lieu. La décision de l’Arcom de ne pas renouveler le canal de C8 n’était d’ailleurs pas sans possibilité d’appel légal, qu’a exercé la chaîne devant la justice administrative, ici le Conseil d’État – ce que Laurent Wauquiez peut difficilement ignorer.
Qu’a dit le Conseil d’État de la décision prise par cette « autorité administrative obscure » envers C8 ? « Le régulateur était juridiquement fondé à prendre en compte les manquements réitérés commis par la chaîne au cours des dernières années à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l’antenne. Ces manquements sont de nature à jeter un doute sur sa capacité à tenir ses engagements. »
Rappelons quelques-uns de ces nombreux manquements ayant tous pour origine l’animateur-star de la chaîne Cyril Hanouna. En 2024, exposer l’agression de l’ex-candidate de Loft Story Loana Petrucciani présente en plateau, malgré sa « situation manifeste de profonde détresse ». En 2022, insulter en direct le député LFI et ex-chroniqueur de TPMP Louis Boyard présent sur son plateau – Cyril Hanouna vient d’écoper personnellement de 4 000 euros d’amende pour ces faits en sus de l’amende de 3,5 millions d’euros infligés à la chaîne. En 2017, piéger des homosexuels avec une fausse annonce sur un site de rencontre gay et diffuser les échanges en direct sans modifier leur voix, avec à la clé 3 millions d’euros d’amende de ce qui était alors le CSA – une sanction validée par la Cour européenne des droits de l’homme.
Et tant d’autres errements, souvent au service de l’extrême droite – seule affirmation factuellement exacte de Laurent Wauquiez. Des manquements dont l’addition fait de C8 la chaîne la plus sanctionnée de l’histoire de la télévision française pour son mépris de la dignité humaine et l’absence de contrôle éditorial de sa direction au regard de ses engagements. Passerait encore si seuls l’ancien auditeur du Conseil d’État, l’extrême droite et les affidés du groupe Bolloré étaient montés au créneau. C’est encore beaucoup plus problématique quand un ministre de l’Intérieur en exercice, en l’occurrence Bruno Retailleau, chargé de faire appliquer les lois de notre État de droit, apporte lui aussi un soutien public à la chaîne priée d’aller se faire diffuser ailleurs que sur une fréquence publique.
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