La nomination de Richard Ferrand aggrave la défiance institutionnelle
La nomination de ce proche de Macron est un énième signal d’une nécessaire refonte démocratique de l’institution, pour préserver sa légitimité par son indépendance, estime l’avocat Vincent Brengarth.
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© Stéphane De Sakutin / AFP
La nomination de Richard Ferrand par Emmanuel Macron, l’un de ses plus proches soutiens, à la tête du Conseil constitutionnel est un signal délétère d’un régime qui, non content d’atteindre la sclérose, entretient tous les ingrédients de son déclin.
C’est là le paradoxe de nos gouvernants que de répondre à la crise de confiance que traversent nos institutions par des nominations qui l’aggravent. Cette nomination dénie le malaise qui gagne une part grandissante de la population. En dépit de la multiplication des alertes d’une défiance vis-à-vis du personnel politique et des institutions, certaines pratiques persistent, atteignant même une forme d’affront à l’endroit du citoyen. Le sentiment d’une distribution des responsabilités au gré des amitiés et des proximités devrait pourtant appartenir à un temps révolu, qui plus est alors que notre régime est si instable.
Une juridiction qui doit être indépendante
Beaucoup conservent en mémoire le dispositif policier inouï devant le Conseil constitutionnel le 13 avril 2023, avant qu’il ne rende sa décision sur la réforme des retraites. Ce déploiement était l’illustration, par la démonstration de force, des attentes à l’égard du juge constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel occupe (…) un rôle capital dans notre système normatif.
Ces attentes sont légitimes, tant son rôle est considérable. Entre autres missions, il veille à la régularité de l’élection du président de la République ou contrôle la constitutionnalité des lois et des traités internationaux. Le contrôle de conformité des lois à la Constitution a lieu soit avant sa promulgation – quand il est demandé par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs –, soit, depuis 2008, après sa promulgation par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité.
Dans ce second cas, tout justiciable peut contester, à l’occasion d’un litige devant le juge judiciaire ou administratif, la constitutionnalité d’une disposition législative. Le Conseil constitutionnel occupe par conséquent un rôle capital dans notre système normatif.
Il n’est ainsi pas une autorité qui serait la succursale du pouvoir, mais une juridiction devant être indépendante.
Une institution à protéger
Comme bien souvent, la pureté du mécanisme de contrôle n’empêche pas une pratique bien plus nuancée. En raison de son fonctionnement et de sa composition, le Conseil constitutionnel voit sa légitimité substantiellement décroître, à mesure de l’accroissement du rôle qu’il occupe et de la faiblesse de son indépendance.
Si aucun garde-fou n’existe, la prochaine étape sera la perte de confiance irrémédiable de la population envers ses institutions.
Or c’est précisément parce que le Conseil constitutionnel est fragilisé par les nombreuses critiques légitimes dont il fait l’objet que son indépendance doit être d’autant plus garantie, compte tenu du rôle essentiel qu’il joue. La seule question qui devrait se poser est celle de sa capacité à assurer le plein et entier exercice de ses missions.
À l’envers de cette nécessité d’une mise à l’abri démocratique, le mouvement à l’œuvre sauvegarde une inféodation. Le Conseil constitutionnel se retrouve en proie à un accaparement destiné à mieux le museler. Plus qu’un jeu de pouvoir, la nomination devient jeu de conquête politique, alors même qu’il devrait être une juridiction indépendante à l’abri des jeux politiques.
Le Conseil constitutionnel est une institution à protéger, pour protéger la République et son cadre démocratique. Le pire, c’est lorsque personne ne s’y retrouve, à l’exception du pouvoir en place.
Si aucun garde-fou n’existe, la prochaine étape sera la perte de confiance irrémédiable de la population envers ses institutions. Notre République mérite mieux que la somme des menus calculs. Cette nomination est un énième signal d’une nécessaire refonte démocratique de l’institution, pour préserver sa légitimité par son indépendance.
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