Une loi pour la sûreté des transports sous le signe du tout-sécuritaire
Vidéosurveillance algorithmique, tasers, élargissement des pouvoirs des agents… Les surenchères de la droite ont aggravé la proposition de loi sur la sûreté dans les transports, adoptée par les députés. Elle poursuit son chemin législatif.
![Une loi pour la sûreté des transports sous le signe du tout-sécuritaire](https://www.politis.fr/wp-content/uploads/2025/02/000_36T88NZ-808x538.jpg)
© Thomas Samson / AFP
Mardi 11 février, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi sur la sûreté dans les transports. Entre vidéosurveillance algorithmique, nouveaux délits et tasers, c’est un texte qui se perd dans l’appareil législatif depuis décembre 2023. À l’époque, en vue des Jeux olympiques et paralympiques, Philippe Tabarot, ex-sénateur LR, présenté ce projet dans uncontexte où la sûreté dans les transports « s’est profondément dégradé ». Après avoir traversé le gouvernement Borne, Attal et Barnier, c’est devant celui de Bayrou qu’il sera définitivement voté avec Philippe Tabarot comme ministre des Transports.
Pour son passage devant l’Assemblée, les députés ont dû faire le tri dans les 268 amendements déposés à l’occasion. Dès le début, le ton est donné. L’article L. 2251-1 du Code des transports est le premier à passer dans ce texte de 23 pages. Il permet à la SNCF et à la RATP de disposer d’un service interne de sécurité. Les modifications apportées sont légères, mais lourdes de sens. La notion de mission « de prévention » est supprimée quand « prévenir les atteintes à l’ordre public » est ajouté. « Ils contribuent à la lutte contre le terrorisme », fait aussi son apparition, signe de la policiarisation de ces agents.
Les agents pourraient procéder à des palpations sans avoir besoin de l’autorisation des préfets.
Les agents auront la possibilité d’intervenir sur la voie publique « aux abords immédiats » des gares, alors qu’ils avaient jusqu’ici obligation de rester dans l’enceinte des réseaux de transports. Cela doit permettre entre autres aux agents de lutter notamment contre la vente à la sauvette et de confisquer les marchandises.
« Le wokisme en prend un coup ! »
L’article sur « l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille » est aussi modifié. Les agents pourraient procéder à des palpations sans avoir besoin de l’autorisation des préfets. Avant son passage à l’Assemble, la réalisation des palpations a été présentée comme devant « être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet ou selon des modalités qui tiennent compte de l’identité de genre de cette dernière ». Une phrase qui ne passe pas pour le Rassemblement national. « Je ne comprends pas pourquoi vous vous couchez devant l’idéologie woke des gauchistes qui se trouvent en face de nous », a lancé Julien Rancoule, député du RN.
Des amendements sont votés dans la foulée pour supprimer la partie sur l’identité de genre. « Le wokisme en prend un coup ! », se félicite Christophe Bentz, lui aussi au RN. « Ce sont des anarchistes ! », scande un autre député lepéniste. « Nous ne pouvons exiger des agents qui procèdent à des vérifications dans des conditions parfois très tendues pour garantir la sécurité de nos concitoyens qu’ils prennent du temps pour interroger des personnes pouvant représenter une menace sur leur prétendue identité de genre », justifie le député Fabien Di Filippo de la Droite républicaine. En France, pour les fouilles sur les personnes transgenres, la police et la gendarmerie ont pourtant pour instruction de prendre en compte, « dans la mesure du possible », le genre déclaré.
Taser, caméras piétonnes et vidéosurveillance algorithmique
Un autre amendement (Droite républicaine), adopté, autorise les agents du service de sûreté de la SNCF à porter un pistolet à impulsion électrique, PIE, communément appelé Taser. Ces agents sont déjà équipés d’armes létales. La députée LFI, Élisa Martin, précise que « les conséquences peuvent […] être graves pour certaines personnes, selon leur état de santé, que l’agent utilisant l’arme ne peut pas connaître ». Début 2024, le PIE était au centre de l’attention après la mort d’un homme ayant reçu douze décharges par des policiers. Sur le danger de cette arme, le député RN, Romain Baubry, s’amuse : « Le pistolet à eau [l’est] aussi ! Et il n’est pas écolo ! »
Le gouvernement a introduit par amendement la prolongation de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, initialement prévue pour s’arrêter en mars 2025 après les Jeux olympiques
L’article 8, lui, tend à généraliser le recours aux caméras-piétons « plébiscitées » par les agents. Alors que des amendements LFI et GDR tentent de supprimer cette « généralisation », le rapporteur de la loi, Guillaume Gouffier Valente explique que « le bilan de l’expérimentation, qui a pris fin le 30 septembre 2024, est très positif ». Tellement positif qu’il est étendu aux conducteurs. Les images pourront même être transmises en direct au poste de commandement. Mais la loi ne s’arrête pas là. Les députés ont majoritairement voté pour l’expérimentation de trois ans de ces caméras chez les opérateurs de transport scolaire à Mayotte. Il s’agit d’une « atteinte disproportionnée au droit à la vie privée », pour Sandra Regol du groupe Écologiste et Social.
Le gouvernement a aussi introduit par amendement la prolongation de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, initialement prévue pour s’arrêter en mars 2025 après les Jeux olympiques de Paris. Malgré un rapport d’évaluation mitigé, les députés ont approuvé cette prolongation jusqu’à fin 2027, malgré l’opposition de la gauche. Le rapport explique par exemple : « L’importance du nombre de « faux positifs » altère en outre son intérêt pour certains cas d’usage, comme la détection d’objets abandonnés. » Pour Élisa Martin, LFI, il faut à tout prix « contrer la logique du tout-sécuritaire et du tout-surveillance, si caractéristique de la Macronie ».
Un autre article du texte autorise certains agents d’Île-de-France Mobilités à consulter les images de vidéosurveillance dans des salles d’information et de commandement sous supervision des forces de l’ordre. Un amendement du RN étend cette possibilité à certains agents de sécurité privée.
Oubli de bagages et Train surfing
L’article 12 souhaitant créer un « délit d’incivilité d’habitude » a lui été supprimé. Il ciblait les contrevenants réguliers sur une période d’un an, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à six mois de prison et 7 500 euros d’amende. « En l’état du droit, seules les personnes qui voyagent habituellement sans titre sont passibles de six mois de prison et 7 500 euros d’amende, explique la députée du groupe socialiste, Céline Thiébault-Martinez. L’article 12 étend cette peine à toutes les personnes qui contreviendraient à différentes règles, notamment de comportement – tirer un signal d’alarme, transporter des animaux dans des conditions impropres, utiliser des appareils sonores ou vapoter, par exemple. »
La proposition de loi précise également les sanctions pour abandon de bagages.
Les députés ont, en revanche, voté en faveur d’une amende forfaitaire immédiate de 250 euros pour certaines infractions comme l’accès à une zone interdite, l’entrave à la circulation des trains ou la vente à la sauvette. En l’état actuel du texte, le « Train surfing » sera passible de six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Cette pratique consiste à monter sur le toit d’un métro, de RER ou même d’un bus en marche. La proposition de loi précise également les sanctions pour abandon de bagages. Ainsi, un oubli non-volontaire encourt une peine de 450 euros. « Les poursuites peuvent être éteintes par le versement d’une amende forfaitaire de 72 euros. » Si le bagage n’est pas étiqueté, la peine monte à 750 euros ou une amende forfaire de 150 euros. Pour un oubli volontaire, le tout monte à 1 500 euros ou à 180 euros en forfaitaire.
Adopté mais affaire à suivre
Philippe Tabarot, le ministre des Transports, s’est félicité sur X (ex-Twitter) du vote de cette proposition de loi, dont il est l’initiateur. En tout, 139 députés ont voté pour son adoption et 59 contre. « C’est désormais aux députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire d’examiner cette PPL au service de la sécurité du quotidien, pilier de la justice sociale et de l’égalité républicaine », a-t-il conclu sur X. Lors du vote de l’article 2, sur la présence des agents sur la voie publique, Elsa Faucillon, député communiste, a indiqué que le texte « dénature la mission de ces agents de sécurité et soulève des inquiétudes en matière de libertés individuelles et de protection de la vie privée ».
Pour aller plus loin…
![« Aimer ne veut pas dire posséder »](https://www.politis.fr/wp-content/uploads/2025/02/quaritsch-photography-wwjzVnMkRrc-unsplash-526x350.jpeg)
« Aimer ne veut pas dire posséder »
![Saint-Valentin : l’amour n’est pas mort](https://www.politis.fr/wp-content/uploads/2025/02/maico-pereira-Z0Wa2A5NVTM-unsplash-526x350.jpeg)
Saint-Valentin : l’amour n’est pas mort
![« L’amour est une force sociale »](https://www.politis.fr/wp-content/uploads/2025/02/startup_screen_midinale-2025-popol-526x350.png)
« L’amour est une force sociale »
![Célibat, bodycount, « vieille fille »… Comment l’injonction au couple interdit d’être seul•e](https://www.politis.fr/wp-content/uploads/2024/02/couple-526x350.jpg)