« Aimer perdre », vols de Pigeon

Les Belges Lenny et Harpo Guit signent une comédie crue et branque.

Christophe Kantcheff  • 25 mars 2025 abonné·es
« Aimer perdre », vols de Pigeon
Le style propre aux frères Guit leur permet de brosser le portrait d’une jeune fille émancipée, un peu folle dingue et à tous égards insaisissable, telle qu’on en voit peu au cinéma.

Aimer perdre / Lenny et Harpo Guit / 1 h 26.

Non-amateurs de grimaces, s’abstenir ! C’est d’ailleurs sur l’une d’elles que s’ouvre Aimer perdre. On découvre en effet le visage de l’héroïne, Armande Pigeon (Maria ­Cavalier-Bazan), les traits du visage déformés. Puis elle lance : « C’est quoi cette galère ! » Efficace entrée en matière puisqu’en deux plans voilà le ton donné et l’intrigue résumée. Armande est une fille libre et sans un rond qui vit à Bruxelles de la débrouille, de rapines et d’argent emprunté jamais remboursé, ce qui suscite bien des situations délicates où elle s’illustre par ses dons de loseuse qui, malgré tout, ne cesse de rebondir.

Après Fils de plouc (2021), Aimer perdre est le deuxième long métrage des frères Lenny et Harpo Guit, qui affectionnent la comédie crue et branque comme les Belges peuvent la pratiquer avec, en plus, un petit air à la Jean-Pierre Mocky. Non parce qu’ils collectionneraient comme lui les drôles de tronches, même s’ils font apparaître Melvil Poupaud (comme toujours excellent) dans un petit rôle de joueur détraqué avec des cheveux gras, un manteau râpé et un œil de verre !

Plutôt parce que l’univers des frères Guit ne connaît pas le bon goût, y compris dans leur mise en scène. On dirige brutalement la caméra à l’épaule, on zoome en veux-tu en voilà, on concocte une esthétique bas de gamme (façon tournage au smartphone) à l’intérieur d’un casino, en s’inspirant, selon eux, de pépites visuelles trouvées sur YouTube ou TikTok. Et par ailleurs la scène la plus gore est certainement celle où Armande bouffe (et recrache) un plat de pâtes trop poivrées.

Un vrai plaisir de la folie douce.

Ce style propre (si l’on peut dire) aux Guit leur permet de brosser le portrait d’une jeune fille émancipée, un peu foldingue et à tous égards insaisissable, telle qu’on en voit peu au cinéma, dont le seul blocage, peut-être pas définitif, réside dans le sentiment amoureux. Maria Cavalier-Bazan, bluffante avec son physique changeant pouvant jouer toutes les partitions du prosaïsme, est bien entourée par ses camarades Axel Perin, Michael Zendel, Maximilien Delmelle et la grande Catherine Ringer. Nul mépris social ici comme on a pu le voir dans des sketchs ou d’autres comédies, mais un vrai plaisir de la folie douce.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes