« Vermiglio », une série de portraits

Maura Delpero explore la vie d’un village du Trentin, entre isolement et poids des normes sociales.

Pauline Guedj  • 18 mars 2025 abonné·es
« Vermiglio », une série de portraits
© Paname Distribution

Vermiglio ou la mariée des montagnes / Maura Delpero / 1 h 59.

Avec Vermiglio, lauréat du Grand Prix du jury au Festival de Venise, la réalisatrice Maura Delpero dresse une série de portraits qui s’entrelacent et permettent de saisir à différentes échelles les enjeux sociaux d’une époque. Lorsque le film commence, nous sommes en 1944 dans un village du Trentin. Entouré par ses montagnes enneigées puis verdoyantes, c’est d’abord ce lieu qui est passé au crible, grâce à une série de plans fixes qui font jaillir la beauté écrasante du paysage et l’isolement des personnes qui l’habitent, l’aiment et le subissent.

À la fois touché par la guerre – des familles ont été démembrées, on accueille deux déserteurs – et détaché d’une actualité politique dont on ne maîtrise les aléas que par le biais de quelques lettres, le village se définit dans le sentiment de peur qui y rôde, peur quant à l’issue du conflit, peur de ne pouvoir manger à sa faim, peur de la mort.

Libre arbitre

Dans ce village, la caméra de Maura Delpero se pose alors sur une famille dont elle décortique avec sobriété les inter­actions. Le père, instituteur, un homme respecté, s’enferme dans son bureau pour fumer, écouter des disques et regarder des photographies de femmes dénudées. La mère enfante sans cesse, dix gamins à son actif, et redoute la dureté de son époux. Les enfants s’écoutent, tentent de saisir les troubles de chacun, et cette mise en avant d’une fratrie aimante, grâce à des dialogues finement écrits, constitue l’aspect le plus touchant du film. Entre un père exigeant et une mère résignée, la fratrie s’interroge sur son avenir et son libre arbitre.

Enfin, dernière échelle d’appréhension, le film plonge dans la psyché de personnages qui, sous la contrainte, tentent d’exister, d’accéder à la beauté. Dans sa salle de classe, l’instituteur ému fait écouter à ses élèves Les Quatre Saisons de Vivaldi. Dans les montagnes, Lucia, la fille aînée, découvre l’amour qui chamboule, fait vivre et désespère. D’abord plutôt passive, sa personnalité va subtilement, par petites touches, s’affirmer, et, à travers elle, c’est toute la force nécessaire pour résister aux rumeurs, aux normes et aux règles de la bienséance catholique que Maura Delpero met en images.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes