Du gaz dans la guerre d’Algérie

Un documentaire montre que la France a utilisé des armes chimiques de 1957 à 1962.

Christophe Kantcheff  • 11 mars 2025 abonné·es
Du gaz dans la guerre d’Algérie
Des massacres à grande échelle perpétrés contre des « rebelles » mais aussi contre des populations réfugiées dans des grottes.
© Solent Production

Algérie, sections armes spéciales / Claire Billet.


Mise à jour le 11 mars 2025

Le film a été subitement déprogrammé par France Télévisions et remplacé par une soirée sur l’Ukraine. Sa diffusion était prévue le dimanche 16 mars sur France 5, dans l’émission « La case du siècle » à 23 heures. La nouvelle date de diffusion n’est pas connue, alors que d’autres émissions prévues ce soir là ont été reprogrammées. «Cette décision prête à confusion et risque de mettre de l’huile sur le feu», s’inquiète la réalisatrice du film, Claire Billet, citée par Libération. Dans un communiqué, le groupe public indique que le documentaire « sera mis en ligne demain » (12 mars) « sur la plateforme et diffusé ultérieurement en linéaire ».

Le film sera par ailleurs projeté jeudi 13 Mars à 20 heures au cinéma Les 3 Luxembourg, 67 rue Monsieur Le Prince, à Paris, dans le sixième arrondissement. Inscription obligatoire.


L’armée française a utilisé des armes chimiques au cours de la guerre d’Algérie. Ce n’est pas une moindre révélation que fait le documentaire de Claire Billet, Algérie, sections armes spéciales, qui s’appuie sur le travail de l’historien Christophe Lafaye, rendu difficile par la Grande Muette, qui pratique la rétention sur les archives classées « secret-défense ». La France est encore loin de reconnaître qu’elle a mené en Algérie une guerre chimique de façon systématique.

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À l’époque, ces « opérations spéciales », généralisées à partir de 1957, avaient déjà un caractère clandestin. Un des anciens combattants français y ayant participé – tous des conscrits – que la réalisatrice a interrogés montre son vieil album d’Algérie dénué de photos de ces opérations : on les lui confisquait à chaque fois. Tous, à un âge très avancé, sont hantés par ce qu’ils ont accompli. Parce qu’il s’agissait de massacres à grande échelle perpétrés contre des « rebelles » mais aussi contre des populations réfugiées dans des grottes.

Film de salut public

Claire Billet s’est rendue dans les Aurès, où ces crimes de guerre ont été particulièrement meurtriers. De vieux Algériens témoignent, qui ont eu la vie sauve parce qu’ils étaient alors des enfants que les soldats français ont laissés sortir, de la manière dont il était procédé. Les gaz – les mêmes que ceux de la Première Guerre mondiale – pénétraient dans toutes les cavités, grottes et galeries, et ne laissaient aucune chance à celles et ceux qui s’y trouvaient. Les corps étaient sortis plus tard, une fois la toxicité du gaz réduite. Même si, aujourd’hui encore, il en reste des traces sur la pierre.

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Un spécialiste des armes chimiques, qui, lui, a eu accès à toutes les archives pour rédiger un document pour l’armée, semble en savoir bien davantage (« Encore aujourd’hui, on ne peut pas tout raconter »). Mais même ce que les historiens ont établi, à savoir les enfumades commises par les Français au cours de la guerre de colonisation, dont cette guerre chimique est l’exact équivalent au siècle suivant, vaut à Jean-Michel Aphatie d’être mis en réserve par RTL pour l’avoir évoqué. C’est évident : Algérie, sections armes spéciales, qui s’achève sur ce parallèle historique, est un film de salut public.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes