L’économie de guerre instrumentalisée

Face à la montée des tensions géopolitiques avec la Russie et aux incertitudes américaines, la politique que veut mener Emmanuel Macron n’a rien à voir avec l’économie de guerre. Il s’agit plutôt d’une guerre sociale pour satisfaire l’agenda néolibéral.

Dominique Plihon  • 26 mars 2025
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L’économie de guerre instrumentalisée
Emmanuel Macron, le 14 juillet 2024.
© JULIEN DE ROSA / AFP

En déclarant que la France est en économie de guerre, Emmanuel Macron cherche à atteindre un double objectif. D’une part, cela permet au président, qui est chef des armées, de sortir du placard dans lequel il s’était lui-même enfermé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Et d’autre part, ce qui est plus inquiétant, la menace de guerre est instrumentalisée par Macron et ses alliés pour relancer l’agenda néolibéral d’austérité sociale.

L’économie de guerre se transforme en une guerre sociale.

Au nom de la défense de la nation face à l’impérialisme russe, le camp néolibéral est parti dans une campagne associant les impératifs sécuritaires aux objectifs néolibéraux : augmenter le temps de travail, restreindre l’accès à l’assurance-chômage, partir en retraite plus tard, simplifier radicalement la vie des entreprises et baisser leurs impôts. Les impératifs écologiques passent au second plan. De son côté, la Commission européenne assouplit les règles budgétaires en faveur des dépenses militaires, ce qu’elle avait refusé de faire pour les dépenses écologiques.

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L’économie de guerre, présentée comme un impératif de sécurité face à la montée des tensions géopolitiques avec la Russie et aux incertitudes américaines, se transforme en une guerre sociale, pour le seul profit du capital. Pourtant, dans aucun pays, en dehors de la France, on ne parle d’économie de guerre. Les autres États préfèrent évoquer des plans de réarmement, de renforcement de leurs capacités militaires, de sécurité. Et pour cause !

La politique que veut mener Macron n’a rien à voir avec l’économie de guerre.

Car la politique que veut mener Macron n’a rien à voir avec l’économie de guerre. Il s’agit en réalité d’augmenter les dépenses militaires pour les porter de 3 à 3,5 % du PIB. Or, pendant toute la guerre froide jusqu’en 1994, la France a consacré 5 % de son PIB à sa défense. Et on ne parlait pas alors d’économie de guerre. Le peuple ukrainien sait hélas ce qu’est véritablement une économie de guerre, avec des pénuries et des ruptures dans les approvisionnements, qui amènent le pouvoir à mobiliser toutes ses ressources pour assurer sa défense et sa sécurité.

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L’économie de guerre, c’est la subordination de l’appareil productif à l’effort militaire. La production et la consommation se retrouvent organisées par l’État. L’économie devient administrée. C’est la fin de la liberté de circulation des capitaux, le rationnement de certains produits, une fixation autoritaire des prix sur les produits de base. Ces mesures sont souvent accompagnées de taxations exceptionnelles contre les « profiteurs de guerre ».

En réalité, l’agenda actuel de Macron et du patronat est à l’opposé de l’économie de guerre, puisqu’il s’agit d’accélérer la déréglementation, de supprimer les normes, les règles et les lois qui entravent la liberté du capital ; et qu’il n’y a pas d’objectif de solidarité ni de justice sociale et fiscale, de nature à favoriser la mobilisation de la population, comme ce fut le cas dans le cadre du New Deal de Roosevelt des années 1930.

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