Roosevelt, Macron et « l’économie de guerre »
L’économie de guerre des États-Unis sous Franklin D. Roosevelt et celle qui se dessine sous Emmanuel Macron reflètent deux logiques économiques antagoniques.
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© Bibliothèque du Congrès.
On peut douter de la pertinence du parallèle entre la période actuelle et celle des années 1930, ou entre Poutine et Hitler. Il demeure que les classes dominantes européennes ont à nouveau choisi d’entrer dans une « économie de guerre », comme Macron l’annonçait dès l’invasion russe de l’Ukraine.
L’économie de guerre des États-Unis sous Franklin D. Roosevelt et celle qui se dessine sous Emmanuel Macron reflètent deux logiques antagoniques. Alors que la mobilisation économique américaine durant la Seconde Guerre mondiale a été accompagnée d’une réduction significative des inégalités sociales, le contexte actuel en France et en Europe semble plutôt annoncer un nouveau renforcement des disparités économiques et de pouvoir.
Lorsque Roosevelt engage les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale après l’attaque de Pearl Harbor en 1941, le pays sort d’une décennie marquée par la Grande Dépression. La pression des mobilisations sociales avait provoqué le New Deal et des politiques ambitieuses de redistribution : la pression de l’effort de guerre renforce encore cette tendance. L’État fédéral met en place un système de taxation fortement progressif : le taux marginal d’imposition sur les plus hauts revenus atteint 94 % en 1944, ce qui contribue à financer l’armement et l’industrialisation tout en réduisant considérablement les écarts de richesse.
Dans le même temps, la guerre entraîne une mobilisation massive de la main-d’œuvre, y compris celle des femmes et des minorités. Les salaires augmentent et la syndicalisation progresse, garantissant une répartition plus équitable des fruits de la production. À l’issue du conflit, les bases d’une prospérité partagée sont posées, avec des classes moyennes renforcées et un État-providence consolidé.
Macron privilégie une approche où les dépenses militaires soutiennent l’accumulation du capital et la concentration des richesses.
Dans l’Europe d’aujourd’hui, les leviers d’action et les choix de financement mobilisés par nos gouvernants diffèrent radicalement de ceux de Roosevelt. En France, les réductions d’impôts pour les grandes entreprises et les détenteurs de capital ont été une constante depuis 2017, avec notamment la suppression de l’ISF et la mise en place d’une « flat tax » sur les revenus du capital ; Macron a réaffirmé le tabou des hausses d’impôts. Dans ce cadre, l’effort de financement d’une économie de guerre ne reposera pas sur une taxation progressive, mais sur une contraction des dépenses publiques et sociales, touchant principalement les classes populaires et moyennes.
Par ailleurs, la concentration de la relance industrielle sur le secteur militaire ne semble pas annoncer un partage plus équitable. La concentration des pouvoirs entre les mains d’entreprises bénéficiant d’aides d’État, sans contreparties, ne peut qu’accentuer une dynamique de polarisation économique et sociale.
Alors que Roosevelt avait fait du rôle régulateur de l’État un instrument de justice sociale et de stabilité économique, Macron privilégie une approche où les dépenses militaires soutiennent l’accumulation du capital et la concentration des richesses, vers une France toujours plus inégalitaire où les classes populaires supporteront le coût de l’effort national.
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