Quelle défense commune ?
À l’heure où le nouveau président des États-Unis désigne le modèle social européen et ses droits fondamentaux comme la cible à abattre, la démocratie sociale doit être défendue, a fortiori militairement.
dans l’hebdo N° 1854 Acheter ce numéro

Pour prétendre gouverner, la gauche devra se doter d’une doctrine en matière de défense, absente du programme du Nouveau Front populaire. Plus aucune de ses composantes ne déclare remettre en cause l’appartenance de la France à l’Union européenne. C’est donc dans ce cadre que doivent être définis la politique à mener et les moyens financiers à lui consacrer. Que la menace russe soit réelle ou fantasmée, le parapluie américain de l’Otan se referme et les partisans de l’autonomie vis-à-vis des blocs impérialistes devraient s’en féliciter. Une défense européenne sous parapluie français verra tôt ou tard le jour.
Dotée de la dissuasion nucléaire, la France y occupera une place centrale, en conservant la maîtrise du bouton rouge. À cet égard, il n’est pas souhaitable que les décisions en matière de sécurité et de défense communes soient prises à la majorité qualifiée, contrairement à la proposition fédéraliste faite par le chef de l’État dans son discours de la Sorbonne en 2024. L’unanimité, synonyme de droit de veto, doit prévaloir. Le cadre d’une décision intergouvernementale doit être privilégié afin d’engager avant tout les États volontaires, qu’ils appartiennent à l’UE ou non, à l’instar du Royaume-Uni.
Il est de bon augure que l’Allemagne accepte désormais d’envisager un tel projet, qu’elle consente à se placer sous parapluie français et qu’elle admette la stupidité de règles budgétaires strictes. La discipline qu’elle exhibe n’est d’ailleurs que de façade, car ses investissements publics (notamment en matière de défense et de transition écologique) sont réalisés par l’entremise de fonds fédéraux, dont les emprunts ne sont pas comptabilisés dans le déficit public au sens de Maastricht.
Nous aurions tort d’opposer, comme le font les conservateurs, dépenses militaires et dépenses pour le bien-être social et environnemental.
Dans le cadre du plan de 800 milliards de la Commission européenne, l’assouplissement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) permettra à la France, au premier chef, d’accroître d’un point de PIB la part de ses dépenses miliaires dans la richesse nationale, en finançant ces dépenses par l’emprunt. Les progressistes devraient se saisir de l’aubaine pour demander la remise en chantier de la réforme du PSC, avortée en 2023, et qui devait permettre aux États d’engager les dépenses nécessaires à la transition écologique et à la défense.
Nous aurions tort d’opposer, comme le font les conservateurs, dépenses militaires et dépenses pour le bien-être social et environnemental. À l’heure où le nouveau président des États-Unis, membre influent de l’internationale illibérale, désigne le modèle social européen et ses droits fondamentaux comme la cible à abattre, la démocratie sociale doit être défendue, a fortiori militairement.
Pour poursuivre ces objectifs démocratiques et militaires, indissociables, rouvrir le débat sur la justice fiscale est conforme aux valeurs de notre République. Les riches doivent participer à la solidarité nationale selon leur faculté contributive. La justice fiscale a été écornée par les mesures en faveur des profits, des revenus financiers et des hauts patrimoines instaurées depuis 2017. Elles amputent les recettes de 60 milliards d’euros par an. Ce manque à gagner sert de prétexte aux adversaires de l’État social et de la transition écologique pour affûter leur tronçonneuse.
Or la défense de la démocratie sociale, la justice fiscale, le bien-être social et la transition écologique ne sauraient être opposés. Ils constituent les piliers d’un nouveau programme commun, qui ne saurait rester à l’état de plan détaillé.
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