Amandine Lourdel, verve folle et verve sage
Dans son premier spectacle, Amandine Lourdel étale sa vie de trentenaire célibataire paumée avec une poésie populaire convaincante.
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© Louise Lepron
Renversée / Comédie de Paris et en tournée / 1 h 15.
Il n’y a pas quinze mille façons d’émerger dans l’humour aujourd’hui : il y a la voie des réseaux sociaux, alimentés par des vidéos face caméra hyperdynamiques, que nous, spectateurs, nous partageons comme des chouquettes – une ascension souvent qualifiée de foudroyante –, ou celle, plus lente et traditionnelle des tremplins d’humour, des festivals et de ses jurys. Ici, Amandine Lourdel joue double jeu.
Le premier venu n’imagine pas qu’avec ses 150 000 abonnés sur Instagram, ses vidéos « Brèves de conteuse » – elle se met en scène avec un torchon à la main et un bac à verres derrière un comptoir de brasserie – et ses chroniques sur France Inter, Amandine Lourdel traîne près de dix ans de théâtre en semi-professionnelle semi-galère, et qu’elle était à ça d’arrêter lorsqu’elle s’est essayée au stand-up, en 2019.
Son second souffle trouvé dans cette discipline, où la principale distinction avec le one-man-show est d’envoyer valser les codes du quatrième mur, la comédienne taille ses blagues dans les meilleurs comme les plus obscurs festivals de France et se voit récompenser de plusieurs prix, dont le Prix d’écriture nouveau talent humour SACD. L’humoriste entre dans le circuit des salles parisiennes, où elle débute au théâtre du Bo Saint-Martin avant d’atterrir à la Comédie de Paris.
Veine trash-sociale
On y vient : dans Renversée, son premier spectacle, Amandine Lourdel raconte sa vie de trentenaire célibataire paumée. Inspirée par un phrasé ciselé (« En jouant avec une mycose vaginale, t’as qu’une envie, c’est de te gratter avec le micro »), émanation lointaine des saillies de Blanche Gardin, l’humoriste accumule les anecdotes intimes, dans une veine trash-sociale, autour de ses échecs amoureux qui l’ont menée à être « une femme indépendante indépendamment de [s]a volonté », de son féminisme pas tout à fait exemplaire ou de son ivresse.
Une séquence mordante illustre les plans foireux dans lesquels elle patauge : dans les toilettes d’un bar en fin de soirée, alors qu’elle a envie d’uriner et qu’elle est ivre, comment ne pas poser ses fesses sur la cuvette crade ?
Sa voix gouailleuse de tenancière de rade, mélange du ton éraillé de Doully et du débit de Thomas VDB, est un don du ciel pour son personnage désabusé et écorché, exagération mûrie de ses traits naturels. Et la comédienne de réserver, malgré sa belle voix et le message, une minute chantée dispensable pour boucler son heure. Qu’importe, Amandine Lourdel racle le fond de son âme avec une poésie populaire convaincante pour livrer un stand-up plus social qu’il n’y paraît.
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