L’urgent combat contre l’extrême droite
La sociologue Aurore Koechlin appelle à faire ricocher l’élan antifasciste du 8 mars pour les prochaines mobilisations, dont celle du 22 mars contre l’extrême droite peut être le point de départ.
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© Maxime Sirvins
Avec le 8 mars dernier, le mouvement féministe vient de faire une démonstration dans la lutte contre l’extrême droite dont l’ensemble du mouvement social devrait prendre la mesure. De par la conjoncture même, cette date est apparue comme une forme de riposte au retour de Trump au pouvoir et à ses mesures violemment anti-trans, contre les femmes, et contre toute forme de lutte contre les discriminations. C’est en partie ce qui explique le succès de la manifestation, avec 120 000 personnes à Paris et 250 000 sur toute la France.
En outre, le mouvement féministe a réussi à repousser l’extrême droite dans la rue, qui depuis plusieurs années essaye d’augmenter la confusion en revendiquant l’étiquette de « féministe », pour mieux défendre ses positions identitaires, racistes, et réactionnaires. Il lui a ainsi été empêché de manifester, à la fois par la mobilisation des féministes elles-mêmes, et par un travail coordonné avec l’ensemble du mouvement social (syndicats et collectifs antifascistes notamment).
Toute riposte d’ampleur contre l’extrême droite (…) ne pourra venir que du mouvement social dans son entièreté.
Cela doit nous pousser à tirer les bilans de ce qui fonctionne dans la lutte contre l’extrême droite : une date fédératrice, un travail unitaire, qui mette au centre les premier·es touché·es par l’extrême droite. À ce titre, l’idée de LFI d’appeler pour le 22 mars à une large mobilisation contre le racisme et l’extrême droite est juste, bien qu’elle aurait pu être davantage coordonnée avec le mouvement antiraciste, et en particulier avec la Marche des solidarités, qui organise chaque année cette date.
Toute riposte d’ampleur contre l’extrême droite et contre le gouvernement qui prépare son accession au pouvoir ne pourra venir que du mouvement social dans son entièreté – en particulier, sur les questions antiracistes, avec le mouvement antiraciste, et plus généralement, avec les syndicats, première organisation des travailleur·ses.
Dans un tel contexte, l’affiche de LFI reprenant des codes antisémites, le refus des insoumis de reconnaître jusqu’au bout le problème et de s’excuser, alors même qu’ils ont retiré l’affiche, et de mener une enquête en interne pour comprendre quelles erreurs ont été commises, comme le propose Daniel Schneidermann (1), est une erreur dramatique, quand bien même cette question est instrumentalisée par nos ennemis.
La lutte contre l’extrême droite implique de reconnaître que nous ne sommes pas étanches à la société dans laquelle nous vivons.
La lutte contre l’extrême droite implique de reconnaître que nous ne sommes pas étanches à la société dans laquelle nous vivons : que nous le voulions ou non, ses structures agissent sur nous, et nous (re)produisons les rapports sociaux de domination, les stéréotypes et les discriminations qui la traversent, par nos paroles, nos actes, nos représentations, etc. Nous l’avons davantage accepté sur la question du sexisme, alors que sur le racisme, et l’antisémitisme en particulier, l’accusation, perçue comme essentialisante, fait que le premier mouvement est souvent de la repousser.
Pour pouvoir construire un projet de société alternatif à l’horreur que nous propose l’extrême droite, il faut pourtant pouvoir lutter consciemment contre toute reproduction de la domination, et cela ne peut commencer que par le fait de la reconnaître quand elle a lieu. Faire cela, ce n’est pas accepter cet état de fait, mais c’est au contraire le premier pas de la lutte contre l’antisémitisme.
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