Le Parti socialiste n’est pas à vendre : contre les fausses synthèses et les vraies captations
La préparation du 81e congrès du parti à la rose ne satisfait pas Pierre-Henri N’simba-Delezay, militant socialiste en Seine-Saint-Denis. Il appelle ses camarades à sortir de la logique du repli entre élus qui s’inscrit dans un mouvement plus global de dépolitisation et d’affaiblissement du pluralisme.

Il est des moments où la fidélité exige la rupture. Non pas la rupture pour elle-même, mais celle qui permet à une idée de demeurer vivante, à un héritage d’échapper à la décomposition, à une famille politique de se réconcilier avec le peuple dont elle prétend porter la voix.
Ce moment est venu pour le Parti socialiste.
Alors qu’approche un congrès décisif, nous voyons se multiplier les gestes d’appareil. Des contributions sont déposées dans la précipitation, des appels sont lancés sans délibération, des candidatures sont préparées dans l’ombre. Le texte récemment signé par Stéphane Troussel, comme l’appel de Karim Bouamrane, incarnent ce que la science politique désigne, depuis Maurice Duverger jusqu’à Katz et Mair, comme la logique du parti-cartel : une structure fermée, organisée non pour représenter les militants mais pour conserver le pouvoir au sein d’un réseau d’élus, de technocrates et de faiseurs de majorité silencieuse.
Un verrouillage de l’appareil
Ces contributions ne cherchent ni le débat, ni la confrontation loyale des idées. Elles visent à verrouiller l’appareil, à préempter le congrès, à empêcher l’émergence d’une ligne populaire, claire, indépendante. On ne parle plus aux militants, mais aux influenceurs internes. On ne pense plus en stratégie collective, mais en addition de rapports de force figés.
Le Parti socialiste devient (…) le véhicule passif d’une recomposition pilotée de l’extérieur.
Et pour quel projet ?
Pour imposer, sans débat, la figure de Raphaël Glucksmann comme candidat de 2027. Un homme certes cultivé et engagé, mais sans ancrage dans le Parti socialiste, ni dans son histoire, ni dans ses dynamiques de terrain. Sa candidature est portée par des réseaux extérieurs, adoubée sans processus démocratique, imposée au nom d’une prétendue crédibilité médiatique qui, en réalité, dissimule l’absence de refondation idéologique.
Le Parti socialiste devient ainsi, dans cette logique, le véhicule passif d’une recomposition pilotée de l’extérieur. Il ne s’agit plus de transformer la société avec les outils du socialisme démocratique, mais de fournir un appareil disponible à un projet flou, né des circonstances, et soutenu par des intérêts qui ne sont ni ceux des classes populaires, ni ceux du mouvement ouvrier, ni ceux des citoyens désireux d’émancipation.
Ce verrouillage, nous en avons vécu une illustration frappante dans notre propre fédération. La contribution signée par le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, déposée à la va-vite au nom d’un prétendu rassemblement des militant·es du département, n’a fait l’objet d’aucun débat en section, d’aucune consultation des militant·es. Elle a été pensée, écrite, validée dans un entre-soi, sans jamais convoquer ce que nous avons de plus précieux : la délibération collective.
Pour une refondation du socialisme populaire
Il ne s’agit pas d’un simple désaccord de méthode. Il s’agit d’un procédé politique, que je me refuse à appeler camaraderie. Le mot exact est celui que la République elle-même utilise lorsqu’elle se voit confisquée : captation.
Aucune motion unitaire ne peut être crédible si elle est conçue comme la synthèse de ce qui s’est décidé hors du regard des militantes et des militants.
Cette captation se pare des habits du bon sens, de la gestion, du pragmatisme. Mais elle dissimule une autre réalité : celle d’un congrès verrouillé d’avance, où l’on se compte entre pairs sans rendre de comptes aux militant·es. Nous savons trop bien ce qu’il advient d’un parti dont les dirigeants cherchent d’abord à se compter entre eux : le peuple cesse de compter sur lui.
La Seine-Saint-Denis mérite mieux. Elle mérite un parti qui débatte dans ses sections, dans ses quartiers, dans ses conseils. Elle mérite une unité construite par le débat et non par le troc d’influence. Elle mérite une voix libre et exigeante, capable de porter une refondation du socialisme populaire, intellectuellement rigoureuse, stratégiquement lucide, fraternellement ouverte.
J’appelle donc publiquement les camarades signataires de cette contribution départementale, comme les artisans des tribunes nationales verrouillées, à sortir de la logique du repli entre élus et à reconnaître cette évidence : aucune motion unitaire ne peut être crédible si elle est conçue comme la synthèse de ce qui s’est décidé hors du regard des militantes et des militants.
Désarmer les routines
J’ai signé, avec d’autres camarades, la contribution du Nouveau Socialisme. Non pour ajouter un courant à la liste des écuries d’investiture, mais pour affirmer une volonté : redonner au Parti socialiste un projet de transformation sociale, populaire, indépendant, souverain et démocratique. Cette contribution n’aura de valeur que si elle garde ce cap. Elle ne doit pas servir d’alibi à un ralliement déguisé à une présidentialisation programmée.
Le Parti socialiste n’est pas une étiquette à louer. C’est un héritage politique à réinventer. Et cette réinvention commence en refusant les masques de l’unité, pour affronter, ensemble, les vrais débats de notre temps.
L’unité ne viendra pas de ceux qui additionnent des parts d’influence : elle viendra de celles et ceux qui auront le courage de désarmer les routines, d’ouvrir les portes verrouillées, de parler aux absents, et de reconstruire l’espoir.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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