États-Unis : face à Trump, les Démocrates peinent à se faire entendre

Face aux politiques de Donald Trump, l’opposition est quasi inexistante. L’inaction des Démocrates est critiquée par leurs électeurs, qui ont commencé à prendre les choses en main.

Edward Maille  • 12 mars 2025 abonné·es
États-Unis : face à Trump, les Démocrates peinent à se faire entendre
Des Démocrates protestent lors du discours de Trump au Congrès, le 4 mars.
© AFP

Quelques pancartes brandies dans l’hémicycle. Des vêtements aux couleurs symboliques en guise de contestation. Et un député se levant en agitant sa canne pour hurler, avant d’être escorté par la sécurité. Tandis que Donald Trump vantait les premières semaines de son deuxième mandat devant les élus de la Chambre des représentants et du Sénat, le 4 mars, les Démocrates ont montré de quel bois ils se chauffent. Et le résultat était plus que tiède. Depuis le retour au pouvoir du milliardaire, le parti de Kamala Harris peine à s’organiser pour s’opposer au président.

Signe de l’absence d’unité, 10 députés démocrates ont voté pour une « censure » – la plus importante punition avant l’exclusion – contre le représentant du Texas Al Green, qui s’est mis debout pour interrompre le discours fleuve de Donald Trump. D’autres Démocrates ont choisi de boycotter le discours. Autant de stratégies de contestation que d’absence de résultats, à l’image des dernières semaines.

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Le président, avec l’aide d’Elon Musk et son département de l’Efficacité gouvernementale – le ‘Doge’ –, démantèle l’administration publique, mène une guerre contre le « wokisme » et sème le chaos dans la diplomatie occidentale. Les électeurs démocrates, toujours pas remis de leur débâcle à la présidentielle, attendent pourtant une réponse forte de leurs élus. Mais Kamala Harris, en dehors de quelques rares apparitions, reste aux abonnés absents. De même pour l’ancien président, Joe Biden. Aucune figure publique ne se distingue pour rassembler et incarner la gauche américaine.

Les élus démocrates n’ont pas mis en place de stratégie commune, contrairement aux élus républicains.

Certes, les marges de manœuvre des Démocrates sont limitées. Ils disposent d’une minorité d’élus à la Chambre des représentants (214 contre 218 Républicains, avec 3 sièges vacants) comme au Sénat (les Démocrates ont 45 sièges, contre 53 pour les Républicains, avec deux sièges pour des élus indépendants.). Mais les élus démocrates n’ont pas mis en place de stratégie commune, contrairement aux élus républicains.

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À quelques exceptions près, lors du mandat de Joe Biden, ces derniers étaient unis derrière Donald Trump. Même lorsqu’ils étaient en minorité, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour mettre des bâtons dans les roues au processus législatif du président démocrate. Certains Démocrates adoptent même une attitude inverse, comptant bien laisser Donald Trump mettre en place ses politiques afin que les Républicains assument seuls les conséquences de leurs décisions auprès de leurs électeurs.

La voie de la justice

D’autres, toujours issus de la gauche américaine, se sont tournés vers une autre arène pour tenter de limiter les dégâts : les tribunaux. Ces dernières semaines, des contestations en justice ont fait suite à la myriade de mesures prises par Donald Trump. Les procureurs généraux de 19 États et de la ville de Washington ont saisi la justice au sujet des licenciements de fonctionnaires.

Le lendemain de l’investiture du président, 22 États s’attaquaient au décret exécutif qui visait à limiter le droit du sol, pourtant inscrit dans la Constitution. Ces recours en justice sont légion, et le 8 mars, 41 décisions de justice avaient permis de mettre fin ou de suspendre temporairement les actions du président, selon une analyse du New York Times.

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Dans certains cas, à force de recours et d’appels en justice, ces plaintes finiront sur les bureaux des juges de la Cour suprême. La plus haute institution juridique dispose d’une majorité de juges conservateurs. Mais, le 5 mars, deux juges ont pris leurs distances avec l’administration Trump pour confirmer une décision qui empêchait le gouvernement de geler quelque 2 milliards de dollars d’aides étrangères. L’une d’eux, Amy Coney Barrett, s’est alors attiré les foudres des partisans du mouvement Maga (Make America Great Again, le slogan de Donald Trump). Mais la décision laisse entrevoir l’espoir pour les progressistes que la Cour suprême n’appliquera pas systématiquement toutes les mesures du président.

Sanders en tournée

En dehors des institutions politiques et judiciaires, certaines personnalités politiques occupent le terrain médiatique, à commencer par les réseaux sociaux. La députée de l’État de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, figure de l’aile gauche du parti, multiplie les posts et les vidéos sur les réseaux sociaux. Après la prise de parole de Donald Trump devant le Congrès, qui dénonçait des dépenses publiques inutiles, l’élue a rétorqué en publiant une vidéo vilipendant l’allocution : « Donald Trump a dit beaucoup de choses au hasard à propos d’études et de gaspillages, etc., [mais] il n’a pas parlé de Medicaid [l’assurance santé publique pour les plus démunis], pas une seule fois […]. Trump veut s’en prendre à votre Medicaid. »

Nous n’accepterons pas l’autoritarisme […], nous allons nous battre en retour, et nous allons gagner.

B. Sanders

Mais c’est surtout Bernie Sanders, l’ancien candidat à la primaire démocrate de 2015, qui semble avoir pris les devants. Le sénateur indépendant du Vermont a lancé une « tournée nationale pour combattre l’oligarchie ». Il a animé ses premiers meetings dans le Nebraska, l’Iowa, le Wisconsin et le Michigan – tous des États remportés par Donald Trump.

Bernie Sanders est connu pour défendre la classe moyenne et ouvrière, et dénoncer les « problèmes de la table de cuisine », soit les difficultés financières du quotidien, le fort coût de la vie étant une des explications de la victoire de Donald Trump. Le 7 mars, à Kenosha, dans le Wisconsin, le sénateur de 83 ans a pris la parole devant quelque 3 000 soutiens. « Nous vivons un moment charnière et dangereux dans l’histoire américaine alors que nous faisons face à des défis sans précédent. […] Nous sommes ici pour dire haut et fort et clairement que dans notre grande nation, nous n’accepterons pas l’oligarchie. Nous n’accepterons pas l’autoritarisme […], nous allons nous battre en retour, et nous allons gagner. »

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Si la tournée du Sénateur du Vermont fait exception parmi les responsables politiques progressistes (Alexandria Ocasio-Cortez a, elle aussi, prévu des meetings similaires), les mobilisations citoyennes mettent également du temps à se mettre en place. Mais ces dernières semaines, de plus en plus de manifestations ont eu lieu. Des fonctionnaires contre les licenciements, des scientifiques contre les attaques à l’égard de la recherche ou des personnes dénonçant les pouvoirs d’Elon Musk, devant des concessionnaires de la Tesla – marque dont il est le patron.

Mais la participation reste encore faible par rapport au premier mandat de Donald Trump. Le lendemain de son investiture en 2017, une manifestation était organisée à Washington et dans d’autres villes du pays. Selon les estimations, entre 3 et 5 millions de personnes étaient alors sorties dans la rue pour la Marche des femmes et dénoncer la misogynie du président, un taux de mobilisation parmi les plus importants de l’histoire du pays. Depuis le retour à la Maison Blanche du milliardaire, aucune manifestation n’a encore rivalisé avec l’ampleur de cette dernière.

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La gauche face au nouvel ordre mondial
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