« Flamingo Tower » : freak délice

Semblant surgir d’une autre planète, le duo californien Monde UFO propulse sur Terre son troisième album, Flamingo Tower, qui flotte superbement entre rock psyché et jazz barré.

Jérôme Provençal  • 19 mars 2025 abonné·es
« Flamingo Tower » : freak délice
Le duo, toujours aussi ovniesque, délivre un rock en douce lévitation mâtiné de jazz en libre expansion.
© Nathaniel Kissel

Flamingo Tower / Monde UFO / Fire Records / Kuroneko.

À l’heure où les États-Unis subissent une violente tempête obscurantiste venue de l’intérieur, à la suite du retour à la Maison Blanche de l’infâme Donald Trump, on se réjouit plus encore de l’existence d’un groupe comme Monde UFO, dont l’ouverture d’esprit et la liberté de jeu, sans le moindre calcul, apparaissent vraiment salutaires – voire vitales – dans un tel contexte mortifère.

Installé à Los Angeles, dans le quartier de Skid Row, le musicien Ray Monde – compositeur, multi-instrumentiste, chanteur – a donné l’impulsion au projet en solo. À l’aide d’un orgue, de claviers, d’une boîte à rythmes, d’une guitare et de sa voix, il a commencé à produire des morceaux gravitant dans la sphère de la méditation et dans l’univers des ovnis (UFO en anglais).

Le décollage s’est vraiment opéré avec l’arrivée à bord de l’artiste plasticienne Kris Chau, originaire d’Honolulu. Cultivant un intérêt prononcé pour les musiques expérimentales, Ray Monde a été stimulé par la perspective d’embarquer la jeune femme, mélomane mais dénuée d’expérience musicale, dans cette aventure résolument insolite. Kris Chau a ainsi intégré le projet en chantant et en jouant du bol tibétain, amplifié et trafiqué via diverses pédales d’effets.

Propulsé sur scène à partir de 2019, le duo a écumé les salles du circuit alternatif de L.A. et a développé en parallèle son répertoire. Planant avec une grâce exquise entre musique ambient, rock vaporeux, jazz rêveur et exotica, son envoûtant premier album – 7171 – est sorti en octobre 2021. On y décèle clairement l’influence de deux astres glorieux de la galaxie rock new-yorkaise, Yo La Tengo et le Velvet Underground.

Psalmodies païennes

L’album suivant – Vandalized Statue to be Replaced with Shrine (2023) – semble s’envoler encore plus haut pour explorer une terra ultra incognita, délicatement effervescente, à l’étrangeté irréductible et à la force d’attraction irrésistible. S’y affirme nettement l’empreinte de la bossa-nova, référence majeure pour Ray Monde.

Deux ans après, Monde UFO réapparaît sur nos radars avec un nouvel album, Flamingo Tower, publié par le prestigieux label indé Fire Records – signe patent de reconnaissance. Au fil des onze ballades (plus ou moins) obliques ici réunies, qui sonnent souvent comme d’imparables psalmodies païennes, le duo, toujours aussi ovniesque, délivre un rock en douce lévitation mâtiné de jazz en libre expansion : une merveille de musique psychédélique bien freak, ne perdant pourtant jamais le fil mélodique, ce qui la rend d’autant plus magnétique.

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Musique
Temps de lecture : 2 minutes