Le colonialisme installe le racisme

Jean-Michel Aphatie a eu raison de rappeler que la colonisation a installé, au plus profond de nos représentations, le poison de la racialisation et ouvert la voie à ce que le XXe siècle a porté de pire.

Catherine Tricot  • 14 mars 2025
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Le colonialisme installe le racisme
Le débarquement de Sidi-Ferruch le 14 juin 1830 marque le début de la conquête française de l'Algérie.
© Domaine public

Le regard que l’on porte sur les Arabes et les musulmans ne se séparent pas de l’histoire coloniale de la France. Sur cette histoire, bien des tabous ne sont pas levés, malgré des progrès de connaissance et de reconnaissance historiques – notamment sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et sur les propositions de Benjamin Stora et d’une commission mixte franco-algérienne d’historiens.

Un documentaire sur les essais d’armes chimiques dans le Sahara au cours des années 50-60 vient d’être déprogrammé par France Télévision. Le journaliste Jean-Michel Aphatie a été sanctionné et a fini par quitter RTL parce qu’il a osé dire que la France colonisatrice s’est rendue coupable d’exactions qui, aujourd’hui, relèveraient a minima du crime de guerre, quand ce n’est pas du crime contre l’humanité.

Sur le même sujet : Jean-Michel Aphatie et la colonisation en Algérie : une vérité historique niée

En 1844-1845, dans l’Algérie en voie de colonisation brutale, des centaines de civils, femmes et enfants compris, ont été massacrées, enfumés comme des animaux réputés nuisibles. Ces évènements sont fondamentaux pour comprendre ce qui fonde le racisme. On n’aurait pas traité ainsi les Algériens si on n’avait pas pensé, comme le dira Jules Ferry, qu’ils faisaient partie de ces « races inférieures » que les « races supérieures » ont le droit d’asservir pour qu’elles accèdent enfin aux lumières de la civilisation. L’horreur absolue des « enfumades » de 1844-1845 n’est en aucun cas moins condamnable que la barbarie de soldats nazis à l’été 1944.

Comment ne pas mesurer les effets à long terme de la négation des valeurs humaines les plus fondamentales ?

Comment ne pas mesurer les effets à long terme de la négation des valeurs humaines les plus fondamentales ? On aime se référer à Hannah Arendt et à ses études sur le « totalitarisme ». Mais on oublie que plus d’un quart de son livre sur Les Origines du totalitarisme est consacré à « l’impérialisme » et donc à la colonisation. Celle-ci a installé, au plus profond de nos représentations, le poison de la racialisation. Elle a contribué à la « brutalisation » des sociétés et ouvert la voie à ce que le XXe siècle a porté de pire. Jean-Michel Aphatie a eu raison de le rappeler.

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Parti pris

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