Une censure pas belle du tout
Le conte La Belle et la Bête, illustré par Jul et destiné aux CM2, a été retiré in extremis de l’impression par l’Éducation nationale. Une décision assumée par Élisabeth Borne… qui a pourtant préfacé l’ouvrage.

© Jul
Dans le cadre de l’opération « Un livre pour les vacances », La Belle et la Bête, le fameux conte de l’autrice du XVIIIe siècle Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, dont le texte original a été respecté avec des dessins de Jul (1), était destiné aux élèves de CM2 et sur le point d’être imprimé et distribué à 900 000 exemplaires. Mais, in extremis, l’Éducation nationale, commanditaire de l’ouvrage, a décidé de rompre brutalement son engagement.
Grand Palais RMN Éditions.
Reprenant les arguments de la directrice générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), Caroline Pascal, – qui appartient « à la droite traditionnelle, catholique et discrète » (2) mais qui n’est pas censée faire de la politique à ce poste –, Élisabeth Borne a justifié aujourd’hui sur Europe 1 cette censure et estimé que « sans accompagnement pédagogique, le livre n’est pas adapté » en raison de son « second degré » et de son « ironie ».
Citation tirée de Le Mauvais génie, de Vanessa Schneider et Ariane Chemin (Fayard, 2015).
Ironie du sort, si l’on ose dire, la ministre de l’Éducation nationale, qui a affirmé ne pas l’avoir préfacé, a pourtant écrit une préface extrêmement élogieuse, comme le prouve l’exemplaire de La Belle et la Bête que nous nous sommes procuré.
Parce qu’un conte se raconte aussi en images, ce livre offre un voyage visuel sublimé par le talent de Jul.
É. Borne (préface)
On peut notamment lire sous sa plume : « Lire La Belle et la Bête, c’est dialoguer avec le passé autant qu’avec l’autre, et apprendre à mieux saisir ce qui nous unit. Et parce qu’un conte se raconte aussi en images, ce livre offre un voyage visuel sublimé par le talent de Jul. (…) Maintenant, à vous de plonger dans cette histoire peuplée de livres, de musique et de beautés, de différences et de similitudes insoupçonnées où Belle nous rappelle que la véritable beauté est celle du cœur, et la Bête que la bonté révèle ce que l’apparence dissimule. »
Cette préface, qui pour la ministre n’existe donc pas, rend compte avec justesse de ce livre où Jul permet à des écoliers d’aujourd’hui d’entrer en relation immédiatement avec les personnages en leur donnant un aspect très contemporain. La Belle, en effet, y est brune, a la peau mate, et son père vient d’un pays du sud de la Méditerranée. Ce qui ne saurait poser problème à personne, n’est-ce pas ?
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