Un plan-plan pour le climat
Le plan national d’adaptation au changement climatique, attendu depuis deux ans, a enfin été dévoilé avec comme horizon alarmant une France à +4 °C en 2100. Résultat : des mirages budgétaires et une litanie de mesures qui invisibilise les populations les plus vulnérables.
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© Maxime Sirvins
L’urgence n’a pas la même saveur, selon qu’on est dans les bureaux des ministères, qu’on vit dans les bidonvilles de Mayotte ou dans des logements sociaux de Marseille. Ces injustices sociales sont pourtant absentes du tant attendu troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) présenté le 10 mars par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. L’objectif est limpide et effrayant : préparer la France à une augmentation des températures de 2,7 °C d’ici à 2050 et de 4 °C d’ici à 2100.
Depuis deux ans, nous entendons à bas bruit que la France doit se tenir prête à un horizon à +4 °C. Depuis deux ans, nous attendons que des décisions radicales soient prises pour l’éviter ou, du moins, pour y faire face. En effet, après avoir été le « défi du siècle », selon les propres termes d’Emmanuel Macron, la transition écologique a disparu de l’agenda politique, et est même devenue une variable d’ajustement budgétaire.
Initialement prévu pour fin 2023, puis avril 2024, le Pnacc3 a ensuite été victime de la crise politique liée à la dissolution de l’Assemblée nationale puis aux élections législatives. Ce texte a déjà connu trois premiers ministres ! C’est Michel Barnier qui l’a repris et présenté à l’automne avant de le soumettre à une consultation publique qui a recueilli 6 000 contributions en deux mois !
Une France à +4 °C signifie une avalanche d’instabilités et d’incertitudes.
Or, une France à +4 °C signifie surtout une avalanche d’instabilités et d’incertitudes : moins de deux mois d’enneigement sur les montagnes, dix fois plus de jours de vague de chaleur, jusqu’à deux mois supplémentaires de sécheresse… Mais pas dans toutes les régions de manière uniforme, pas tous les ans, rendant l’anticipation et l’adaptation encore plus difficiles. Sans compter les effets sur la santé, le quotidien des personnes les plus vulnérables. Alors, est-ce le plan de la résignation ou de la lucidité ?
Il faut reconnaître que parmi les 52 mesures, certaines vont dans le bon sens : la trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc), qui sera la boussole de textes d’urbanisme à partir de 2027, de nouvelles mesures pour adapter les logements aux fortes chaleurs, et la place accordée aux acteurs locaux pour éviter des actions uniformes imposées sans tenir compte des spécificités territoriales, en particulier dans les zones littorales, de montagne, de forêt et les zones agricoles.
Malgré cela, l’impression que nous stagnons au stade du diagnostic ne s’évapore pas. Par exemple, que penser de la création d’une réserve civile mobilisable lors d’événements climatiques d’ampleur pour inculquer la « culture du risque » à la population ? Sûrement un trompe-l’œil pour donner l’impression qu’on agit.
L’enfer climatique est pavé de bonnes intentions mais sans le budget adéquat, difficile d’éviter le pire.
L’enfer climatique est pavé de bonnes intentions mais sans le budget adéquat, difficile d’éviter le pire. La ministre a annoncé l’augmentation de 75 millions d’euros du fonds Barnier – les versions temporaires prévoyaient 150 millions d’euros –, un milliard d’euros mobilisé par les agences de l’eau pour l’adaptation et un renforcement du fonds vert de 260 millions d’euros. On imagine la bataille menée par la ministre pour arracher ces sommes alors que le fonds vert a été réduit de moitié entre 2024 et 2025, que les services de l’Ademe et de Météo France sont régulièrement ciblés, et que le budget de MaPrimeRénov’ a encore été amputé récemment. Il est évident que cela reste insuffisant face aux défis gigantesques.
Selon l’Institut de l’économie pour le climat, les investissements publics nécessaires seraient de 2,3 milliards d’euros par an. Où sont les actes sur le long terme et les décisions radicales ? N’était-ce pas l’occasion de relancer – au moins – une réflexion sur l’ISF climatique et la création d’un vrai service public de l’adaptation climatique pour lutter contre les inégalités sociales ? Même si nous devons malheureusement nous habituer à vivre avec « la politique du moins pire », l’appliquer à la lutte contre le changement climatique est une ineptie. L’équité face aux impacts du changement climatique n’existe pas. Le nier serait irresponsable et dangereux.
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