Pour Marine Tondelier, un congrès des Écologistes sans suspense, malgré les bisbilles

La très médiatique secrétaire nationale des Écologistes devrait logiquement conserver son poste cette année. Si elle est attaquée par les ailes unitaire et pragmatique du parti, les motions concurrentes disposent néanmoins d’un espace politique réduit.

Lucas Sarafian  • 6 mars 2025 abonné·es
Pour Marine Tondelier, un congrès des Écologistes sans suspense, malgré les bisbilles
Marine Tondelier, lors d'un meeting pour les élzctions européennes, à Aubervilliers, en juin 2024.
© Maxime Sirvins

Tempête chez les écolos ? En quelques jours, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, a enchaîné les crises. « Elle sort d’une période compliquée », euphémise un député vert. En effet, la patronne du parti a essuyé les critiques liées à la gestion de l’affaire Julien Bayou. En interne, deux visions se sont affrontées : ceux qui estimaient que le parti devait reconnaître et s’aligner sur la décision de justice qui a conclu à « l’absence d’infraction » et ceux qui considéraient que le débat ne devait pas être fermé concernant un comportement qui n’est pas pénalement répréhensible. Le conflit a laissé quelques traces : Hélène Hardy, membre de l’exécutif du parti, a quitté ses fonctions, et la sénatrice Ghislaine Senée a claqué la porte de la formation.

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Mais ce n’est pas tout. La conseillère d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) est accusée par ses concurrents au congrès de vouloir « verrouiller » le parti. Le maire de Grenoble et soutien de Marine Tondelier, Éric Piolle, a été exclu des boucles internes du « Collectif », la motion de la secrétaire nationale sortante, parce qu’il voulait être nommé porte-parole. Ce que le courant de Tondelier ne souhaitait pas, préférant la candidature de Guillaume Hédouin, conseiller régional de Normandie.

Elle devrait aussi permettre à d’autres figures d’émerger en parallèle.

C. Daguerre

« Si on reconnaît à Marine Tondelier le fait d’être très médiatique et de porter visiblement l’écologie, elle devrait aussi permettre à d’autres figures d’émerger en parallèle. Le rôle d’un chef de parti est d’engager une équipe autour de lui » (1) considère Clovis Daguerre, ancien secrétaire général des Jeunes écologistes et soutien de l’ex-eurodéputée Karima Delli, qui affrontera Marine Tondelier à la tête du parti.

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Citation mise à jour le 6 mars.

Fronde

En clair, le congrès – qui doit se tenir d’ici à avril 2025 – n’est pas vraiment une promenade de santé pour Marine Tondelier. La secrétaire nationale affrontera trois motions : les « Verts unitaires », le courant de Karima Delli, « Radicalement vôtre », celui porté par Harmonie Lecerf Meunier, maire adjointe déléguée aux affaires sociales à Bordeaux, et soutenu par l’écoféministe Sandrine Rousseau, et « Faire gagner l’écologie », défendu par Florentin Letissier, adjoint à la mairie de Paris en charge de l’économie sociale et solidaire ainsi que plusieurs députés de l’aile droite du parti comme Jérémie Iordanoff ou Eva Sas. D’autres motions devraient s’avancer comme celle de l’ex-conseillère régionale d’île-de-France Claire Monod, « Bâtir la société écologique », mais elles sont encore plus minoritaires.

Les opposants internes comptent bien se faire entendre : les trois principaux courants d’opposition mènent une fronde concernant la modification des statuts adoptée en mars 2024. Les nouvelles règles transforment notamment le mode d’élection des postes dans le parti. Le scrutin de liste à la proportionnelle est remplacé par un scrutin majoritaire uninominal. Concrètement, les courants doivent nécessairement atteindre un palier de signatures – entre 165 et 329 selon les postes visés – pour candidater aux différents postes stratégiques du parti.

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Dans une lettre envoyée à Marine Tondelier le 19 février, Karima Delli menace même de prendre « les dispositions légales nécessaires pour contester la légitimité » du processus, considérant que les nouvelles modalités « semblent avoir été taillées sur mesure pour consolider l’emprise » de Marine Tondelier. Le lendemain, Harmonie Lecerf Meunier dénonce ces statuts qui posent « des problèmes réels à l’égard de l’état de droit et donc la démocratie ».

On veut retrouver un fonctionnement parlementaire au sein des Écologistes, comme c’était historiquement le cas avant.

F. Letissier

Contacté, Florentin Letissier partage également ces points de vue : « On va élire notre secrétaire national avec un scrutin présidentiel alors qu’on critique ce mode d’élection. On veut retrouver un fonctionnement parlementaire au sein des Écologistes, comme c’était historiquement le cas avant. » Insensible à ces critiques, Marine Tondelier balaye les accusations dans un message envoyé à la presse le 1er mars : « En tant que militante, je sais à quel point il est délétère pour nos adhérents et pour notre crédibilité collective de voir certains cadres écolos se répandre dans la presse, ce qui n’arrivait quasiment plus depuis deux ans et demi. »

« Incontestable »

Les courants minoritaires ont demandé la tenue d’un conseil fédéral exceptionnel le 3 mars au soir pour tenter d’obtenir un déblocage du corps électoral afin de faciliter la récolte des signatures. En vain. « Les motions minoritaires sont d’accord pour dire que la modification des statuts a renforcé plus de choses. Et la motion du ‘Collectif’ semble plutôt dire qu’il n’y a plus le temps pour se diviser en interne », raconte un participant. Malgré tout, Marine Tondelier n’est pas vraiment inquiétée. La très médiatique patronne des Verts est désormais une figure incontournable dans le paysage politique de gauche. Depuis la dissolution, elle s’est imposée et a su faire oublier la déroute de son parti aux européennes (5,5 %).

Elle a réussi à être cette incarnation que l’écologie politique attendait. Mais il faut aussi réussir à faire progresser nos idées dans la société.

C. Fournier

« C’est un congrès sans suspense, estime une proche de la secrétaire nationale du parti. Marine Tondelier est aujourd’hui incontestable. Elle a réussi à incarner les écologistes, elle a une aura médiatique, elle a su porter quelque chose, elle a un soutien des adhérents extrêmement fort. » « Elle a réussi à être cette incarnation que l’écologie politique attendait. Mais il faut aussi réussir à faire progresser nos idées dans la société. Et pour cela, il faut que le parti se mette en ordre de bataille pour travailler sur le fond », prévient le député Charles Fournier.

Politiquement, les courants opposés à l’actuelle direction sont composés de l’aile gauche et de l’aile droite du parti. À gauche, « Radicalement vôtre » veut porter « une ligne politique écologique, radicale, antiraciste, décoloniale, acroissante… On veut porter une ligne alliant écologie et justice sociale », selon Charlotte Minvielle, cosecrétaire des Écologistes au Royaume-Uni, coresponsable de la commission féminisme et soutien de ce courant.

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Les « Verts unitaires » se positionnent également sur une ligne « de rupture, une ligne clairement de gauche, une écologie populaire, décroissante et joyeuse », d’après Clovis Daguerre, qui rêve que son parti prenne plus en considération les classes populaires en imposant des règles de parité sociale en interne. Très proches, certains travaillent à la fusion de ces courants afin de peser dans le congrès. « On y travaille. Et face à la force de la motion de Marine Tondelier, on ne peut pas se permettre de se diviser », confie un écolo.

À droite, « Faire gagner l’écologie » souhaite une « réaffirmation de l’écologie politique en repartant sur les fondamentaux, comme notre attachement au projet européen », un « élargissement d’un discours écologiste qui ne donne pas de leçon, une écologie des solutions dans l’esprit de ce que peuvent faire nos maires, un positionnement plus concret, plus pragmatique », selon les mots de Florentin Letissier.

Soutiens

Mais la secrétaire nationale engrange les soutiens à tour de bras. Le « Collectif » revendique 1 750 signatures, dont Eva Joly, Noël Mamère ou Cédric Villani, et « comporte des représentants de l’ensemble des anciennes tendances représentées au dernier congrès », selon Aminata Niakaté, porte-parole de la motion de Marine Tondelier et candidate à la mairie de Paris. La situation rend très difficile l’existence de vrais débats de lignes politiques.

De ce fait, l’espace politique de ces courants opposés à l’actuelle direction est difficile à percevoir. Car les soutiens de Karima Delli et d’Harmonie Lecerf Meunier défendent plutôt une ligne unitaire et féministe, ce qu’incarne déjà, aux yeux de l’opinion publique et des adhérents du mouvement, Marine Tondelier.

Les clivages sont un peu romancés. En réalité, nous sommes tous alignés sur l’union de la gauche et sur un même objectif.

A. Niakaté

Quant à « Faire gagner l’écologie », le courant est composé de parlementaires associés à une ligne politique proche de Yannick Jadot mais l’ancien eurodéputé, aujourd’hui sénateur de Paris, soutient publiquement Marine Tondelier. « Les clivages sont un peu romancés. En réalité, nous sommes tous alignés sur l’union de la gauche et sur un même objectif, celui de répondre au backlash écologique. Il n’y a pas de vraies différences, c’est peut-être seulement des querelles de postes, analyse Aminata Niakaté. Les critiques sont un peu exacerbées parce qu’ils sont dans une course à la signature alors que Marine Tondelier rassemble largement. »

Angles d’attaque

De ce fait, les angles d’attaque sont difficiles à trouver. Peu importe, les opposants veulent se frayer un chemin. Pour le moment, les critiques sont essentiellement stratégiques. « Radicalement vôtre » et les « Verts unitaires » critiquent le zig-zag permanent de la patronne des Verts et rêvent d’ancrer le parti dans une ligne durablement unioniste. « Il faut porter cette question de l’unité, ce n’est pas secondaire. Il faut défendre l’union partout où c’est possible, aux législatives, aux municipales et en 2027. Ce n’est qu’unie que la gauche peut gagner », estime Charlotte Minvielle.

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« Il faut un renforcement du NFP. Bien sûr, Marine Tondelier défend l’unité, mais il y a des choses à éclaircir. On ne veut pas d’union à géométrie variable : un coup oui aux législatives, un coup non aux européennes ou aux municipales », explique Clovis Daguerre. Florentin Letissier, plus critique vis-à-vis de l’alliance électorale conclue avec les insoumis qui, selon lui, « cornérisent la gauche », émet d’autres reproches tactiques : « Le NFP, c’est 30 % des électeurs, on est loin d’une majorité pour la gauche. Et dans ce paysage, les écolos sont vus comme une force d’appoint, le parti sympathique qui fait le trait d’union mais qui disparaît politiquement entre le pôle radical et le pôle social-démocrate. »

Il faut chercher ce qui nous rassemble et pas nous enfermer dans les guéguerres.

F. Thiollet

« Marine Tondelier a pris une place majeure au moment de la dissolution. Et les écologistes sont apparus comme capables de rassembler la gauche. Tout le monde est d’accord avec ce constat : on n’arrivera pas à gagner si on n’a pas d’unité. La ligne concernant 2027 est partagée. Personne ne remet en question le fait qu’il faut un rassemblement de la gauche et des écologistes, répond François Thiollet, soutien de la motion de la secrétaire nationale. Avec Marine, on a réussi à rassembler très large, avec des gens qui sont convaincus que, pour faire gagner l’écologie, il faut chercher ce qui nous rassemble et pas nous enfermer dans les guéguerres. »

Charles Fournier prévient : « Il ne faut pas, qu’avec ces nouveaux statuts, la question des personnes prenne le pas sur les débats de fond qui sont aujourd’hui essentiels pour l’écologie politique. » Le message est passé.

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