La Commission européenne propose un énième tour de vis sécuritaire sur l’immigration

Le pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté en juin 2024, ne contenait pas de volet sur les rapatriements vers les pays d’origine. Sous la pression d’une majorité de gouvernements européens, la Commission a présenté au Parlement européen une réglementation très stricte sur les « retours ».

Giovanni Simone  • 13 mars 2025 abonné·es
La Commission européenne propose un énième tour de vis sécuritaire sur l’immigration
Manifestation devant le siège de l'UE appelant à "Abolir Frontex" à Bruxelles le 3 octobre 2024, lors du 20e anniversaire de l'agence de l'UE qui surveille les des frontières européennes.

Ce mardi 11 mars, le Commissaire européen à l’immigration et aux affaires intérieures, Marius Brunner, a présenté au Parlement européen réuni en plénière à Strasbourg une proposition de réglementation sur les « retours ». Lire : les déportations de personnes exilées. La proposition avait été demandée par une majorité d’États du Conseil européen dans une lettre adressée à la Commission en octobre 2024.

Elle devra être discutée par le Parlement et par le Conseil européen avant d’être adoptée, et concerne un pan entier de la politique migratoire de l’UE : celui de l’exécution des expulsions de personnes résidant de façon irrégulière sur le sol européen. Le pacte sur l’asile et l’immigration adopté en juin 2024 ne contient pas, en effet, de normes communes sur le retour des exilés. Un manquement comblé par cette proposition, qui marque le tour de vis sécuritaire des institutions européennes en matière d’immigration.

Un système d’expulsion commun au niveau européen

La proposition prévoit de fournir un cadre légal commun aux États membres pour exécuter les expulsions. Les ordonnances de retour [en France, ordonnance de quitter le territoire français, OQTF] suivront désormais une procédure commune, une mesure qui permettrait à tout État membre d’exécuter une ordonnance prise ailleurs en Europe. Mais l’essentiel de la réforme concerne la détention.

La durée maximale de détention en vue de l’expulsion est portée à 24 mois, les appels ne suspendront plus automatiquement les décisions d’expulsion et la commission propose des « conséquences claires », sans en spécifier la nature, en cas de non-coopération des personnes expulsables. Une – énième – base de données enregistrerait également les personnes concernées par des décisions d’expulsion et serait accessible à des pays tiers.

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Mais l’éléphant dans la pièce est représenté par la proposition de création de « hubs de retour ». Les cas récents des accords entre l’Italie et l’Albanie, et le Royaume-Uni et le Rwanda, ont probablement inspiré la Commission. Le principe de ces accords est simple : sous-traiter à des pays tiers le traitement des demandes d’asile et le rapatriement des personne n’ayant pas droit à un permis de séjour européen. Une idée qui a été vertement critiquée en raison des dangers posés aux droits humains et au principe de non-refoulement. Si les plans britannique et italien sont restés lettre morte, la Commission entend fournir aux pays de l’Union le cadre légal pour pouvoir retenter l’expérience, peut-être avec plus de succès.

«  Cette législation européenne n’a rien à envier aux projets mortifères de déportation de Donald Trump »

Sur les bancs du Parlement, les effets des dernières élections ont été flagrants. Sans surprise, l’extrême droite des groupes Patriotes pour l’Europe (PfE, présidé par Jordan Bardella) et Europe des Nations Souveraines (ESN) a salué l’initiative, tout comme le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) dont est membre le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, au pouvoir en Italie. Stefano Cavedagna, eurodéputé du parti à la flamme italien, s’est félicité que « la ligne de notre gouvernement est en train de devenir la norme en Europe ».

Si la réforme a été jugée nécessaire par les eurodéputés de centre-droit du Parti populaire européen (PPE) et de centre-gauche du groupe des Socialistes et démocrates (S&D), la mesure sur les « hubs de retour » a reçu un accueil très mitigé. La gauche a, quant à elle, radicalement refusé la proposition, dans un contexte international de plus en plus fascisant : « On dit vouloir défendre les valeurs européennes, a lancé Damien Carême, eurodéputé de La France Insoumise. Mais de quelles valeurs parlons-nous ? […] Cette législation européenne n’a rien à envier aux projets mortifères de déportation de Donald Trump. »

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Dans un contexte où les gouvernements et leurs ministres de l’intérieur semblent se tirer la bourre à celui qui expulse le plus et le mieux, sans se soucier du droit international, la tendance est à la systématisation des expulsions avant même que les demandes d’asile soient évaluées. « L’UE est en train de proposer un régime de déportation extensif, sous l’euphémisme de ‘loi sur le retour’ », tranche Sarah Chander, directrice de l’ONG Equinox.

En revanche, la réforme ne contient aucune référence à des mesures d’intégration ou à des garanties de protection des droits humains, affirme Silvia Carta, porte parole de la Plateforme de coopération internationale pour les sans-papiers (Picum) : « Cette proposition applique une approche discriminatoire et punitive à toute personne en situation irrégulière. On verra sans doute de plus en plus de personnes envoyées dans des pays qu’elles ne connaissent même pas. »

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