C’est qui qui commande ?
Les marchés financiers et les bourses ont fait caler Trump. Quelle sera l’ampleur de la reculade ? Cela offre surtout un répit pour lui faire face et s’opposer à son impérialisme agressif.

© Etienne LAURENT / AFP
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« Les Démocrates ne reprendront pas le pouvoir à Trump sans livrer bataille » Faire face à la guerre commerciale de Trump Le monde d’avant Trump n’est plus une option Amérique latine : face à Trump, la gauche en ordre disperséIl faudra du talent à Donald Trump pour maquiller sa reculade en stratégie. Le 2 avril, il présentait sous les yeux ébahis du monde un tableau aux calculs improbables pour remonter les droits de douane. La seule logique était de rétablir immédiatement la balance commerciale, pays par pays. Une semaine plus tard, devant la débâcle des marchés, l’inquiétude des milieux d’affaires et des banques, le voilà contraint de revenir et de se contenter d’une hausse plus modeste : 10 % pour tout le monde, sauf pour la Chine. Les hausses antérieures appliquées par exemple à l’acier européen sont, elles, maintenues.
L’issue dépendra surtout du poids politique de Trump.
Ce n’est pas la première fois que les milieux d’affaire obligent un gouvernement de droite-ultra à se dédire. Liz Truss, la très éphémère première ministre britannique post-Brexit, avait dû démissionner après que la banque centrale anglaise et la bourse de Londres avaient dévissé devant ses ambitions d’abaisser brutalement les impôts sur les sociétés. Le populisme et le simplisme de solutions, même favorables aux puissants, doivent faire l’objet de plans et intégrer le temps et des équilibres plus globaux.
Trump va voir son crédit politique écorné, surtout après que l’évidence se soit imposée : la paix en Ukraine et à Gaza n’a pas été rétablie en une semaine grâce à son action. Aux États-Unis, le soupçon de fraudes massives, de délits d’initiés ayant permis des enrichissements colossaux à l’occasion de ces cours de bourses en yo-yo se répand. Les Démocrates demandent l’ouverture d’une enquête. Jusqu’où cela ira-t-il ? La justice américaine a déjà montré ses immenses faiblesses face à la tentative de coup d’État en 2021. L’issue dépendra donc surtout du poids politique de Trump. Les contestations diffuses au travers tout le pays du week-end dernier montre une société groggy, mais qui commence à s’organiser.
Touché, mais déterminé
En attendant, il reste 90 jours de suspens. La tentation de venir négocier, un par un, pour obtenir la mansuétude du président américain est forte. Ces négociations seront autant de petites victoires pour Donald Trump, symboliques et concrètes : elles amèneront un peu de crédit à sa stratégie du choc et un peu plus d’argent dans les caisses de l’État Fédéral.
Touché donc, mais pas coulé. Le reste de la politique de Trump n’est, pour le moment, pas impactée. La chasse aux sorcières dans les universités et les labos ne devrait pas s’arrêter. Les expulsions ratifiées par la Cour suprême vont reprendre. Les politiques d’intégration sont au point mort, de même que les politiques sociales, d’aides aux plus démunis de l’intérieur et de la planète.
Touché, mais déterminé, Trump va poursuivre sa politique de prédation des richesses et des territoires aux services des plus grandes entreprises américaines. Surtout, il va tenter d’affaiblir la Chine qui conteste de plus en plus la première place. Un tiers de la production industrielle mondiale sort des ateliers chinois. La Chine occupe la seconde place mondiale en termes de brevets. Trump le nationaliste belliqueux ne peut l’accepter.
La remise en cause du marché dérégulé qui détruit les sociétés reste nécessaire.
Comment comprendre la focalisation de Trump sur le retour de l’industrie ? Trump, structuré par une idéologie guerrière et impériale, prépare la confrontation avec la Chine. Y compris militaire. Or, l’industrie américaine pourrait faire défaut. C’est donc là qu’il juge nécessaires les efforts, davantage que sur la recherche, l’innovation en particulier dans les domaines d’avenir, comme ceux du climat et de la décarbonation.
Vendre des films et des logiciels ne permet pas de produire des armes et des canons. Dans la guerre moderne, les satellites et les drones sont décisifs. Mais Trump a le souvenir d’avoir eu du mal faire fabriquer des respirateurs lors du covid. Tandis que tous les Américains se souviennent de la militarisation de leur industrie en quelques mois lorsque l’Amérique est entrée en guerre en 1941. Encore fallait-il avoir une industrie.
Au-delà, la remise en cause du marché dérégulé qui détruit les sociétés reste nécessaire. Trump s’est fait élire pour l’avoir posée et il y répond de façon violente, brutale et impérialiste. À nous de faire mieux. Nous : la gauche, l’Europe, la France, le monde…
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