« Villa Bergamote » : l’argent, médaille et revers
Mona Messine raconte avec sarcasme l’arrivée d’une belle-fille naïve dans une famille politicienne ultrariche.
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© Chama CHEREAU
Villa Bergamote / Mona Messine / Bouclard éditions, 160 pages, 17 euros.
L’intérêt de cette parodie de polar – façon échanges de liasses de billets sous le soleil des Caraïbes et définition de stratégies électorales au bord de la piscine – réside avant tout dans le style ironique et travaillé de Mona Messine. Dans Villa Bergamote, son deuxième roman, Roxane, la narratrice, raconte, dans ce qu’on devine être une déposition à la police, sa rencontre avec Chéri. Puis celle avec Madame et Monsieur, à la Villa Bergamote.
Cette demeure est à la fois le cadeau de mariage des beaux-parents et un personnage à part entière, le seul sans doute auquel Roxane tient vraiment. À mesure que les saisons passent et que les enfants naissent, garantissant du même coup la mainmise de la belle-fille sur la Villa, les ennuis juridiques s’accumulent pour les beaux-parents – qu’on nous invite subtilement à imaginer sous les traits des Balkany… « Pour l’argent, aucun problème, ça n’était pas le leur. Il était dilué, dilué encore, à un degré insoutenable pour qui aimait boire son expresso serré. »
Progressivement, les mauvaises herbes dépassent des dalles du jardin, à l’image du vernis de la famille parfaite qui s’écaille. Les rapports entre ses membres ressemblant davantage à un mauvais spectacle au scénario connu d’avance qu’à des relations honnêtes : la belle-fille profiteuse, le fils soumis, la belle-mère vicieuse et le père taiseux. Chacun essayant de préserver ses intérêts. Finalement, seul le chien, Alain, se distingue par sa sincérité. L’autrice ira même jusqu’à lui offrir une sépulture textuelle en guide d’épilogue – peut-être bien pour se faire pardonner la fin de vie burlesque qu’elle lui offre.
Dans ce tourbillon vaudevillesque de près de vingt ans fait de procès, de courses-poursuites et de promenades en yacht, difficile de saisir les véritables sentiments de Roxane. Cette dernière est tour à tour faible, complaisante, ambitieuse, lucide, potiche, revancharde ou fuyante. Sa conscience scintille d’une couleur différente, telle une boule à facettes, selon l’élan de son désir ou ses frissons de peur. Un reflet du malaise qui teint le rapport de la plupart des mortels à l’argent et au pouvoir ?
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