« The Warmth You Deserve », à cordes vibrantes

Projet de folk élargi, mené par le musicien français Yann Tambour, Stranded Horse publie un splendide nouvel album, conçu en binôme avec le joueur de kora sénégalais Boubacar Cissokho.

Jérôme Provençal  • 23 avril 2025 abonné·es
« The Warmth You Deserve », à cordes vibrantes
Chanté, majoritairement en anglais, par Yann Tambour et interprété en binôme au niveau musical, l’album distille un folk métissé de haute volée.
© Jasmine Bannister

The Warmth You Deserve / Stranded Horse avec Boubacar Cissokho / Talitres / En concert le 24 avril à Allonnes, le 27 et le 28 avril à Entraigues-sur-la-Sorgue, le 30 avril à Marseille, le 21 mai à Paris.

Comme son nom ne l’indique pas forcément, Yann Tambour – originaire du Cotentin – est venu à la musique via la guitare classique, dès l’âge de 7 ans. Au début des années 2000, il entame son parcours de compositeur sous le pseudo Encre, dans la veine très singulière d’une chanson en mode électronique teintée de sonorités acoustiques (notamment d’instruments à cordes).

« À l’époque, je passais beaucoup de temps enfermé dans ma chambre à concevoir des morceaux à base de samples et de bidouillages divers », se remémore Yann Tambour. Assez vite, il ressent le besoin de retrouver le contact physique avec un instrument et le plaisir du jeu.

En 2003, il connaît une forme de révélation en assistant à un concert du musicien et griot malien Moriba Koïta (en quartette), au cours du festival coutançais Jazz sous les pommiers. Happé par le concert, il est spécialement envoûté par le son de la kora, sorte de harpe-luth, très répandue dans la musique d’Afrique de l’Ouest.

Ayant acheté une kora lors d’un séjour à Berlin, il apprend à l’accorder et à l’apprivoiser, en transposant son jeu de guitariste. En 2005, il publie un EP avec trois morceaux qui marque le lancement de son nouveau projet musical, alors baptisé Thee, Stranded Horse. Après un premier album très remarqué, Churning Strides (2007), il réalise une tournée conséquente et rencontre plusieurs experts africains de la kora, dont le maître malien Ballaké Sissoko, avec lequel il enregistre quatre morceaux, parus sur un EP fin 2008.

Connexion parfaite

À partir de l’album Humbling Tides (2011), il simplifie son nom de scène : Stranded Horse. Désireux de creuser l’alliage entre sa pratique personnelle de la kora et la pratique traditionnelle, il a l’opportunité d’effectuer en 2012 un séjour à Dakar pour y jouer avec plusieurs musiciens locaux adeptes de la tradition mandingue. Parmi eux se trouve Boubacar Cissokho, neveu et disciple de Ballaké Sissoko, avec lequel va s’établir une connexion parfaite, appelée à durer.

Quand j’amène l’ébauche d’un morceau, Boubacar commence à serpenter dessus et, très vite, suscite une dynamique.

Y. Tambour

« Je n’ai encore jamais connu une telle synergie avec d’autres musiciens, souligne Yann Tambour. Nous nous complétons vraiment. Quand j’amène l’ébauche d’un morceau, Boubacar commence à serpenter dessus et, très vite, suscite une dynamique, amène un genre de mouvement perpétuel à quelque chose de très répétitif, cyclique, à la base. Cela change la structure du morceau, la dilate, et cela crée un espace de jeu très vivant et stimulant. »

Ces sessions dakaroises vont donner naissance à l’album Luxe, sorti en 2016, auquel Boubacar Cissokho apporte une contribution importante. Le jeune musicien sénégalais tient également une place de choix dans le foisonnant album suivant, Grand Rodeo (2021). Depuis 2012, les deux hommes développent ainsi une étroite complicité humaine et artistique, se retrouvant régulièrement – en sus des enregistrements – pour donner des concerts en duo ou dans des configurations plus larges.

« Nous avons pris conscience que nous tournions ensemble depuis un moment sans avoir d’album reflétant notre musique en duo », explique Yann Tambour. De ce constat naîtra The Warmth You Deserve, enregistré en 2024 à Cherbourg, au studio Chaudelande, en mode 100 % analogique. Les neuf morceaux sont captés en une ou deux prises, trois maximum, l’objectif étant de restituer au mieux leur musique telle qu’elle se déploie en live.

Chanté, majoritairement en anglais, par Yann Tambour et interprété en binôme au niveau musical, l’album distille un folk métissé de haute volée. Fidèle à son titre, il propage tout du long une chaleur profonde, particulièrement perceptible sur « Le Feu qui nous rend las » et « So High », imparable enchaînement dans la seconde moitié de l’album. Celui-ci s’achève avec « Sous pied d’camélias », en créole, splendide reprise d’une chanson du musicien réunionnais Maxime Laope.

Tout récemment, Boubacar Cissokho a obtenu un visa long séjour en France, ce qui lui offre une perspective d’installation ici et va permettre au duo de se consolider encore davantage. Vivement la suite.

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Musique
Temps de lecture : 4 minutes