Au revoir les Le Pen

La condamnation justifiée de Marine Le Pen et de ses coprévenus, à l’issue d’un procès équitable, annonce la fin d’une saga politique familiale. Dernier article de Michel Soudais, qui ponctue et conclut une longue carrière de journaliste politique.

Michel Soudais  • 1 avril 2025
Partager :
Au revoir les Le Pen
Rassemblement contre l'extrême droite sur la place Albert 1er à Montpellier le 4 juillet 2024, avant le second tour des élections législatives en France.
© Sylvain THOMAS / AFP

Dans le flot de commentaires suscités par le verdict du procès des assistants parlementaires du Front national (FN), et au risque de surprendre, osons soutenir que les peines prononcées par le tribunal de Paris ne sont pas particulièrement sévères. Hormis pour Marine Le Pen. Les condamnations de ses 23 coprévenus et du Rassemblement national (RN), personne morale, sont en effet en deçà des réquisitions du parquet, la 11e chambre correctionnelle ayant pris soin de les individualiser.

S’agissant de l’ex-présidente du FN devenu RN, le tribunal la condamne à quatre ans de prison dont deux avec sursis, soit un an de moins que réclamé par les procureurs. Son amende a également été divisée par trois. Reste la peine complémentaire d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, contestée jusqu’à Matignon.

Sur le même sujet : Inéligibilité pour Marine Le Pen : séisme extrême

Cette condamnation constitue-t-elle « un scandale » ? Un « hold-up démocratique » ? Non. N’en déplaise à ceux qui réclament plus ou moins explicitement pour les élus un privilège contraire à « l’égalité devant la loi [qui] est un des piliers de la démocratie », fort justement rappelée par le tribunal : « En cas de violation de la loi pénale, les élus ne bénéficient d’aucune immunité. »

Or violation il y a bien eu. La gravité des faits reprochés à l’ensemble des prévenus et plus particulièrement à Marine Le Pen, en raison de ses responsabilités, s’étalent sur plus de dix ans. Ils ont été évoqués contradictoirement lors d’un procès on ne peut plus régulier auquel nombre de commentateurs, prompts à dénoncer le jugement qui en résulte, n’ont pas assisté.

S’affirmer candidate à l’élection présidentielle devrait-il l’exonérer d’une peine prévue par la loi ?

« À la tête du parti, notent les juges, Marine Le Pen a eu un rôle central dans ‘l’optimisation’ du système [initié par son père] destiné à permettre au FN de ‘faire des économies grâce au Parlement européen’ », notamment « en donnant instruction aux députés européens d’engager en qualité d’assistants parlementaires des personnes occupant en réalité des emplois au sein du parti ».

Sur le même sujet : La condamnation de Marine Le Pen est celle d’un système

Ce qui lui vaut d’être déclarée coupable, en sa qualité de présidente du parti, des faits de complicité par instigation de détournements de fonds publics pendant plus de cinq années pour une somme d’environ 1,8 million d’euros. Comme députée européenne, elle est aussi déclarée coupable de détournements de fonds publics avec 8 contrats fictifs et 474 K€.

Cet empêchement devrait marquer la fin de l’entreprise familiale Le Pen.

S’affirmer candidate à l’élection présidentielle, comme elle l’a fait au procès et encore au 20 heures de TF1, devrait-il l’exonérer d’une peine prévue par la loi ? Le tribunal s’est évidemment posé la question avant d’estimer que « laisser le peuple souverain décider d’une hypothétique sanction dans les urnes », comme le réclamait sa défense, « revient à revendiquer un privilège ou une immunité qui découlerait du statut d’élu ou de candidat, en violation du principe d’égalité devant la loi ». Les juges invoquent également le risque de récidive, Marine Le Pen n’ayant à aucun moment « exprimé la conscience qu’elle pourrait avoir de l’exigence particulière de probité qui s’attache à la fonction d’élu ».

Sur le même sujet : Les cartes de la présidentielle 2027 rebattues

Privée d’éligibilité au moins jusqu’à son procès en appel, Marine Le Pen ne pourra vraisemblablement pas se présenter une quatrième fois à la présidentielle de 2027. Le RN ne disparaît pas pour autant, ni l’extrême droite. Mais cet empêchement devrait marquer la fin de l’entreprise familiale Le Pen.

Ce parti pris est aussi mon dernier article comme salarié de ce journal.

Depuis mon arrivée à Politis en janvier 1988, j’en ai suivi la saga, longtemps de très près. Récemment encore, ce procès. Une page se tourne pour moi aussi. À l’heure de la retraite, ce parti pris est aussi mon dernier article comme salarié de ce journal qui m’a permis d’être journaliste. Et à qui j’ai beaucoup donné.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don