Et si Bayrou supprimait l’Éducation nationale ?
Le premier ministre lance aujourd’hui son « comité d’alerte » pour trouver 40 milliards d’économie. Une idée comme ça, suivant leur logique comptable : 40 milliards, c’est l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Pourquoi ne pas simplement supprimer le ministère ? Bienvenue en absurdie.
dans l’hebdo N° 1858 Acheter ce numéro

© Alain JOCARD / AFP
« François Bayrou annoncera des annonces dans trois mois. » Ceci n’est pas une information mais une parodie du Gorafi. On pourrait toutefois y croire tant le premier ministre ne sert à rien et semble vouloir jouer la montre. Aussi pourrait-il annoncer des vacances parlementaires de fin juin à septembre pour s’assurer de ne pas être chahuté ou renversé et rester au chaud jusqu’au vote du prochain budget.
Le budget : la raison de son agitation cette semaine où il a tenu son « comité d’alerte » sur les finances publiques. Après l’échec du « conclave », le « comité d’alerte ». L’agrégé de lettres classique a le sens de la rhétorique. Et de la pédagogie. Parce que les Français sont des idiots qui ne comprennent pas la situation dans laquelle se trouve la France. Ou, plutôt, la situation dans laquelle le premier ministre, allié de la première heure du président de la République, a plongé la France.
Mardi 15 avril, François Bayrou a donc réuni une palette de partenaires et d’élus pour que les Français comprennent bien l’urgence du moment. Le chef du gouvernement cherche 40 milliards d’économies à réaliser sur le budget. Pas 40 milliards à trouver pour aider l’hôpital public, les écoles, augmenter les minima sociaux ou investir dans les transports publics. Non, 40 milliards pour raboter les dépenses publiques.
Aucun document de travail n’a d’ailleurs été remis en amont de la discussion et, avant même qu’elle ait eu lieu, beaucoup y ont vu une mascarade. Parce qu’en réalité les propositions de François Bayrou et de ses petits camarades sont déjà bien connues. À commencer par les collectivités locales, qui ont déserté le rendez-vous tant elles savent que beaucoup des économies devront reposer sur elles, à l’instar de la première d’entre elles, l’Association des maires de France. Ballot.
Le problème pour ce gouvernement n’est pas celui des recettes, mais des dépenses.
Exercice de pédagogie, disais-je. A-t-il expliqué que depuis 2017 Emmanuel Macron a vidé les caisses de l’État ? Que, chaque année, ce sont 60 milliards d’euros qui échappent à l’impôt en raison de cadeaux fiscaux aux entreprises ? Que ces cures d’austérité – 90 milliards d’euros en trois ans – ont un effet récessif sur l’économie et l’emploi, et conduisent à une paupérisation de la société tout entière ? Que, sans ces largesses concédées aux plus fortunés, notre pays aurait sans doute atteint l’objectif des 3 % de déficit, contre 5,4 % aujourd’hui ? Que cette situation n’est plus possible et qu’il conviendrait de changer de cap politique ? Qu’on pourrait peut-être réfléchir plus sérieusement à la proposition des députés du Nouveau Front populaire – adoptée à l’Assemblée nationale l’hiver dernier – qui promettait un encaissement de 75 milliards d’euros pour le budget 2025, à coups de taxes pour les plus aisés ? Que nenni ! Le problème pour ce gouvernement n’est pas celui des recettes, mais des dépenses. Dogmatique !
Alors on prend les mêmes idées et on recommence. Les collectivités, les salariés, les chômeurs, les retraités, les personnes malades, sans doute les femmes, les étrangers aussi. Le gouvernement envisage de doubler les dépenses militaires et celles de la défense intérieure comme extérieure, qui ne font pas franchement partie des préoccupations majeures des Français, mais risquent d’impacter les postes budgétaires qui importent le plus aux ménages : les dépenses de santé et de la Sécurité sociale, l’indemnisation des demandeurs d’emploi, les taxes sur les retraités.
L’option qui consiste à demander aux actifs de travailler plus va revenir sur la table.
Et enfin, bien sûr, l’option qui consiste à demander aux actifs de travailler plus, alors même qu’ils contestent déjà l’idée de travailler jusqu’à 64 ans, va revenir sur la table, pour le plus grand bonheur du patronat. Comment ceux qui nous ont entraînés dans cette situation peuvent-ils nous faire croire qu’ils sont les plus « responsables » pour agir aujourd’hui ? 40 milliards, c’est le budget de l’Éducation nationale. Avec leur logique comptable, il suffirait de supprimer la ligne du ministère de leurs tableurs Excel. Trump l’a fait. Pourquoi pas eux ?
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