Congrès écolo : petites nuances stratégiques entre amis
Omniprésente médiatiquement, Marine Tondelier est certaine d’être réélue. Ses opposants, Karima Delli, Harmonie Lecerf Meunier et Florentin Letissier, tentent d’exister en mettant en avant leurs divergences concernant l’union à gauche et l’organisation interne du parti.
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Ciblés par la droite, les écolos cherchent un chemin sécuritaire Pour les municipales, les Écologistes en mission Marine Tondelier, combattante de l’unitéDepuis des années, les écolos tentent d’alerter sur les catastrophes naturelles qui se multiplient partout dans le monde. Éruptions volcaniques, séismes, mégafeux, inondations, ouragans… Mais le congrès des Verts ressemble plutôt à une tempête dans un verre d’eau. « Tout est un peu joué d’avance, non ? », feint de se questionner un cadre du Parti socialiste (PS). En effet, Marine Tondelier n’est pas vraiment inquiétée. La secrétaire nationale du parti depuis 2022 devrait être réélue très confortablement à son poste, à moins d’un coup de théâtre. Même ses concurrents internes ne se font pas d’illusions.
Sur la ligne de départ : « Faire gagner l’écologie », rassemblant les défenseurs d’une écologie dite « de gouvernement » avec Florentin Letissier, adjoint d’Anne Hidalgo à Paris ; les alliés de l’écoféministe Sandrine Rousseau, réunis dans le courant « Radicalement vôtre » derrière Harmonie Lecerf Meunier, adjointe de Pierre Hurmic à Bordeaux ; les unionistes de « l’Union de l’écologie populaire », motion portée par l’ex-eurodéputée Karima Delli ; et, enfin, la masse de partisans du « Collectif » de Marine Tondelier. Côté soutiens, les opposants de l’actuelle patronne des Verts ne font pas vraiment le poids, Marine Tondelier revendiquant 2 500 partisans provenant de toutes les anciennes tendances du congrès de 2022. Dans une telle situation, difficile d’exister.
Mais les opposants ne désarment pas et veulent faire entendre leur ligne. Harmonie Lecerf Meunier, militaire pendant dix ans, plaide pour que les Écologistes renouent avec une ligne anticapitaliste, une « écologie populaire », un discours antiraciste, féministe (ses soutiens représentent les défenseurs d’une ligne « stricte » sur l’affaire Bayou) mais aussi très unitaire. « On a fait l’union, mais on a aussi été les artisans de la désunion au moment des européennes. On ne peut pas faire l’union uniquement quand ça nous arrange », sermonne Harmonie Lecerf Meunier, qui espère que son parti ouvre également une discussion sur l’échec des européennes de 2024.
Mélenchon ne peut pas être une excuse, un bouc émissaire pour éviter de faire l’union.
K. Delli
« Union de l’écologie populaire » est sensiblement sur la même ligne. Parité sociale, écologie ancrée dans tous les territoires, altermondialisme… Le courant ambitionne de réorienter le parti autour d’un discours décroissant ou post-croissant. Mais, surtout, il veut résolument ancrer les Verts dans une ligne 100 % unitaire. Partout et à chaque élection. « On ne veut pas d’une union à géométrie variable. Il faut une union pour résister mais aussi pour gagner, assure Karima Delli, élue au Parlement européen de 2009 à 2024. Mélenchon ne peut pas être une excuse, un bouc émissaire pour éviter de faire l’union. Aujourd’hui, la gauche ne fait pas 30 % dans les sondages. Alors si elle est divisée, c’est la défaite assurée. »
En clair, deux motions se retrouvent sur le même espace politique. Certains ont bien tenté de fusionner les deux petites chapelles, histoire de peser face à une secrétaire nationale identifiée dans l’opinion publique comme celle qui a permis de lancer la dynamique du Nouveau Front populaire (NFP) quand l’extrême droite était au plus haut. L’unification a échoué.
Des conditions et des reproches
Plus à droite, Florentin Letissier et « Faire gagner l’écologie », qui revendique être la deuxième force du congrès, veulent en finir avec la « dérive mouvementiste » qui éloignerait peu à peu les Verts d’un modèle de parti de gouvernement. Ils souhaitent lancer des chantiers programmatiques afin de rendre les Écologistes « crédibles » et de les sortir de leur statut de « force d’appoint entre le bloc radical et le bloc social-démocrate », selon l’adjoint à la maire de Paris. « La stratégie du trait d’union qu’incarne Marine Tondelier est une stratégie d’effacement », soutient-il.
Ce parti, je l’aime mais j’en vois les limites.
F. Letissier
Mais cette motion se distingue des autres sur le sujet des alliances à gauche. En effet, Florentin Letissier plaide pour l’union des gauches si elle respecte quatre fondements : l’attachement à l’idée européenne, la défense du projet républicain, la décentralisation et l’impératif démocratique. Au milieu de ces lignes floues, l’opposant est au moins clair sur un point : « Jean-Luc Mélenchon ne sera pas le candidat du rassemblement de la gauche à l’élection présidentielle. » Seule ombre au tableau : Marine Tondelier a volé à ce courant sa principale figure connue nationalement en la personne de Yannick Jadot.
Les opposants internes se retrouvent tous sur deux critiques. D’abord, l’objectif du million de sympathisants d’ici à 2027 fixé par Tondelier n’avancerait pas aussi vite que prévu : aujourd’hui, le corps électoral du parti atteint un peu plus de 16 000 adhérents. « Ce parti, je l’aime mais j’en vois les limites », lâche Florentin Letissier. « On a fait les états généraux de l’écologie : la consultation est intéressante, mais ça ne peut pas être une ligne. Les gens attendent des propositions », grince Harmonie Lecerf Meunier.
Des accusations infondées pour la secrétaire nationale. Dans une lettre adressée aux militants fin mars, Marine Tondelier décrit un parti à 17 000 adhérents et 250 000 « soutiens directs ». Et estime que les états généraux de l’écologie ont permis la « participation de 280 structures de la société civile représentant 3 millions de personnes ». Ces accusations sont donc infondées pour la patronne des Verts.
On a le meilleur bilan, aucune direction sortante n’a jamais fait autant que nous.
M. Tondelier
« On avait dit qu’on allait tout changer sauf nos valeurs. On a changé de nom, de logo, de statuts. Et plus important : on a changé d’image. Les Français en 2025 ne nous voient plus comme ils nous voyaient à l’été 2022, juge Tondelier. Est-ce que tout est parfait ? Non. Je le reconnais avec beaucoup d’humilité. Mais on a le meilleur bilan, aucune direction sortante n’a jamais fait autant que nous. »
Ensuite, la nouvelle méthode d’organisation de ce congrès. Ils considèrent que la récente réforme des textes, pourtant adoptée à 76 %, sert à consolider l’assise de la secrétaire nationale. Dans les faits, les nouveaux textes transforment le mode d’élection : le scrutin majoritaire uninominal supplante le scrutin de liste à la proportionnelle. Ce changement irrite les opposants. « Personne ne comprend ces règles, ce n’est pas possible, lance Karima Delli. Ensuite, cette élection interne s’appuie sur le modèle présidentiel actuel. Ce qui n’est pas compréhensible, car nous sommes pour la VIe République. »
« Quart d’heure warholien »
Certains considèrent aussi que ce congrès ne prévoit pas assez de temps de débat. La motion de cadrage, votée au conseil fédéral du parti le 5 décembre dernier, prévoit deux débats entre candidats par visio, les 14 et 15 avril. Insuffisant pour les troupes de Karima Delli, Harmonie Lecerf Meunier et Florentin Letissier, qui peinent à être entendus dans les médias. « C’est une occasion manquée pour parler d’écologie politique », regrette l’ancienne eurodéputée. Les « tondeliéristes » estiment que les opposants cherchent à utiliser le sujet des nouveaux textes pour jouir d’un « quart d’heure warholien ». Certains réduisent ces clivages à de simples « querelles de postes ». Et Marine Tondelier ne supporte pas cette guéguerre interne.
Je refuse de faire des combats de boue en public.
M. Tondelier
« Je refuse de faire des combats de boue en public. Certains mènent ce congrès en se servant de la presse pour dire du mal des uns et des autres. C’est contre-productif : quand on dit du mal d’un écolo dans la presse, on dit du mal de l’écologie. Nos militants attendent autre chose, ils espèrent nous voir continuer à tisser cette confiance avec les Français, affirme la secrétaire nationale. En 2022, le mouvement était résumé dans la presse comme étant divisé entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau. Les militants étaient excédés. Les journalistes ne me donnaient aucune chance, mais mon score et mon élection ont bien montré que les écologistes veulent autre chose que les bisbilles internes. »
Dans sa lettre envoyée aux adhérents, Marine Tondelier et le « Collectif » souhaitent faire une synthèse. Selon eux, les Verts doivent défendre une écologie « de la résistance et de la reconquête » face à l’extrême droite et au néolibéralisme, une écologie « de la puissance et de la justice » contre la mondialisation et les inégalités, une écologie qui « construit des alliances populaires » et « sait gouverner sans se renier ».
Entre radicalité et crédibilité. Vaste projet. Concrètement, Tondelier souhaite développer un réseau de formation interne, organiser des universités écologistes des quartiers populaires et lancer une refondation programmatique pour fixer la colonne vertébrale idéologique des Verts « pour les années à venir ». Marine Tondelier est peut-être consciente que le résultat du match est connu avant même d’être joué.
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