PS : face aux oppositions brouillonnes, Olivier Faure garde la main
Devant des opposants internes qui n’arrivent pas vraiment à s’entendre, le premier secrétaire des roses parvient à garder une surface politique assez importante pour prétendre être réélu à la tête de son parti.

© Thibaud MORITZ / AFP
Univers parallèle, définition : « Existence d’un espace et d’un temps en parallèle au monde où nous évoluons. Il se trouve quelque part dans la galaxie. » Un univers parallèle, deux mondes qui ne se croisent pas. Voilà dans quoi serait coincé le congrès du Parti socialiste (PS) depuis quelque temps.
D’un côté, les fédérations s’activent partout en France afin d’organiser des assemblées générales pour débattre et présenter les orientations politiques aux militants. De l’autre, les chefs à plume phosphorent dans des réunions secrètes, imaginent des coups de billard à trois bandes pour éliminer leurs concurrents ou s’imposer dans leur propre camp, échafaudent des plans en plusieurs étapes qui doivent les conduire au pouvoir en 2027…
Dans ce deuxième monde, les opposants à Olivier Faure, le premier secrétaire du parti. Tous ceux qui souhaitent renverser le chef se sont unis le 11 avril. L’attelage est mené par l’ambitieux député de l’Eure Philippe Brun, le très médiatique Karim Bouamrane, ainsi que les maires Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol. Tous sont d’accord pour sortir leur formation d’une alliance électorale systématique avec La France insoumise (LFI), pour recentrer le parti et, surtout, pour prendre la place du premier des roses.
Mais il reste quelques points à régler. Et en premier lieu, la désignation du chef de file de cet attelage : Philippe Brun, Nicolas Mayer-Rossignol, Carole Delga, Karim Bouamrane, Hélène Geoffroy ? Le temps presse car le conseil national de dépôt des textes d’orientation a lieu ce samedi 26 avril. Le vote sur ces textes d’orientation aura lieu à la fin du mois de mai.
« Ce n’est pas comme ça qu’on fait de la politique »
Philippe Brun rêve d’être celui qui portera le drapeau. Le député de l’Eure, qui défend la contribution pour un «Nouveau socialisme » avec la sénatrice Laurence Rossignol, le député Jérôme Guedj ou la trésorière du parti Fatima Yadani, se voit comme un point d’équilibre entre tous les opposants. Mais son courant vient peut-être d’exploser en route : dans un communiqué publié ce 22 avril, Fatima Yadani annonce finalement rejoindre Olivier Faure.
« Ce n’est pas un simple ralliement, c’est une volonté affirmée tant pour le projet que pour la stratégie du PS : à l’heure des graves menaces qui pèsent sur notre démocratie et la cohésion de notre pays, écrit-elle. 2026, 2027 : des rendez-vous électoraux majeurs nous attendent avec le pays. Et comme demain se prépare aujourd’hui, il nous faut dès maintenant sortir de l’entre-soi, dépasser les postures, les nostalgies, les stratégies à courte vue. »
Quand on me dit que je trahis, c’est faux. Je suis militante depuis 25 ans, je n’ai jamais trahi pour un poste.
F. Yadani
Contactée, Fatima Yadani explique sa position : « J’étais partie du camp d’Olivier Faure parce que j’étais en désaccord sur la méthode de gouvernance. Philippe Brun m’a proposé de venir avec lui. Je lui ai dit ‘pourquoi pas ?’. On a donc posé cette contribution générale grâce à moi, car il n’est pas membre de la direction, rappelle la trésorière du parti. Et très vite, Philippe Brun a pensé qu’il serait à la tête de cette coalition. Il fait ces communiqués en utilisant mon nom sans attendre ma validation. Ce n’est pas comme ça qu’on fait de la politique. » La socialiste fait référence au communiqué d’annonce de la fusion des oppositions le 11 avril.
Fatima Yadani a donc appelé Olivier Faure qui aurait accédé à toutes ses demandes : le premier secrétaire devra, selon les dires de la trésorière du parti, conduire une mission d’égalité femmes hommes, créer un secrétariat national consacré aux politiques mises en place par les élus de terrain, mettre en place une commission pour dénicher des profils issus de la société civile, fonder une école de formation pour les futurs élus… « Quand on me dit que je trahis, c’est faux. Je suis militante depuis 25 ans, je n’ai jamais trahi pour un poste », lâche-t-elle.
La maire de Châtillon et proche de Karim Bouamrane, Nadège Azzaz, ainsi que la secrétaire nationale en charge du handicap et de l’inclusion, Samira Laal, lui ont emboîté le pas. Réponse par communiqué des partisans de Philippe Brun : « Alors qu’elles l’avaient quitté en raison de désaccords majeurs sur les pratiques de la direction sortante, ce choix nous a surpris. Nous regrettons bien sûr ces ralliements et les critiques, que nous considérons injustes à notre encontre, qui les accompagnent. » En tout état de cause, ce départ soudain affaiblit le capital politique de l’ambitieux député de l’Eure.
Pour la maire de Vaulx-en-Velin (Rhône), Hélène Geoffroy, et son courant « Debout les socialistes », l’aile droite du parti (l’intéressée réfute cette assertion), les choses sont plus claires : l’édile ne souhaite pas nécessairement porter la rébellion. « Je ne suis pas sur une question de casting. Je ne veux pas remplacer Olivier Faure pour remplacer Olivier Faure. Depuis cinq ans, je porte un texte d’orientation sur la ligne et pas sur les personnes », assure-t-elle.
Que fait donc Boris Vallaud ?
Dans le courant de Nicolas Mayer-Rossignol, « Refondations », le nom du maire de Rouen fait plutôt consensus. Mais il y a des divergences. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, estime qu’il ne faut pas exclure l’hypothèse de se ranger derrière Boris Vallaud, le député des Landes qui rêve aussi de prendre la tête du parti en rassemblant tous les courants. Certains la soupçonnent de vouloir se présenter à la tête de cette alliance anti-Faure. La maire de Paris, Anne Hidalgo, considère qu’il ne faut pas fermer la porte au député des Landes mais que Nicolas Mayer-Rossignol est le mieux à même de porter la coalition anti-Faure.
L’édile de Montpellier, Michaël Delafosse, est plutôt opposé à ce que Philippe Brun prenne la tête de cet attelage. La patronne de la fédération de Paris, Lamia El Aaraje, souhaiterait que Boris Vallaud intègre la coalition mais n’est pas opposée à ce que Philippe Brun prenne la tête de la coalition. Entre rumeurs, intox et positions changeantes, difficile d’y voir très clair… Les négociations patinent. Mais tout devrait s’accélérer dans les prochaines heures.
Une question reste donc en suspens : que fait donc Boris Vallaud ? Pour le moment, le patron des députés socialistes continue de tracer son chemin avec une ligne de conduite : rassembler tout le monde. Vallaud échange donc depuis le 10 avril avec l’ensemble des chefs à plume dans des réunions que son camp baptise « Les rendez-vous de l’unité ». Mais après ces échanges, la même impression revient chez ses interlocuteurs : le flou général. « On ne sait pas vraiment ce qu’il veut », glisse un socialiste au fait des négociations en cours.
Dans le camp de Boris Vallaud, on constate que les opposants ne sont pas tous d’accord sur la méthode pour la prochaine présidentielle : Hélène Geoffroy milite pour qu’un socialiste se présente à tout prix en 2027 alors que Nicolas Mayer-Rossignol plaide pour un rapprochement avec Raphaël Glucksmann. Ces désaccords empêcheraient, selon le camp de Boris Vallaud, un rassemblement en bonne et due forme.
« Séparation avec la France insoumise »
Le député des Landes perçoit pourtant, dans un communiqué publié le 23 avril, les contours d’un grand accord autour de quelques principes comme la « séparation avec la France insoumise dans la construction de l’union de la gauche » et la mise en place d’un processus en deux temps pour la présidentielle : la désignation, d’abord, d’une « première ou d’un premier des socialistes » avant de lancer un « processus ouvert » vis-à-vis de la « gauche ‘de Glucksmann à Ruffin’ pour parvenir à une candidature commune capable de battre le Rassemblement national dès le premier tour et établir un accord de législature ou de gouvernement ».
Si Vallaud tente de faire une délicate synthèse, le député ne préfère pas rentrer dans cette coalition anti-Faure. Pourquoi ? « On continue de tendre la main à tous, affirme-t-on dans l’entourage du député des Landes. On a identifié des points d’accords importants avec une grande partie des socialistes, peu importent leurs courants. Et nous irons au texte d’orientation. » En clair, le camp Vallaud considère que seul le patron du groupe à l’Assemblée est capable de réunifier la vieille maison socialiste. Pas question d’entrer en confrontation directe avec Olivier Faure. « Boris Vallaud répète qu’il veut le rassemblement avec tout le monde, y compris avec Faure », avance Hélène Geoffroy.
Néanmoins, le texte d’orientation de Boris Vallaud pourrait recevoir le soutien de Philippe Brun qui souhaite que ses partisans votent prochainement pour trancher sur la position de sa contribution. L’aile gauche du parti, incarnée par les députés pro censure Paul Christophle ou Fatiha Keloua Hachi et leur contribution « Avenir socialiste », ne serait pas fermée à l’idée de soutenir cette troisième voie. Suffisant pour peser ?
Un raté
Le camp d’Olivier Faure considère que sa stratégie est un raté : « Boris Vallaud veut être candidat à la présidentielle et il ne souhaite pas que la réélection d’Olivier Faure préempte la question de la candidature. Donc il a tenté une OPA hostile sur notre texte d’orientation. Ça pouvait s’entendre mais c’est aujourd’hui un échec, estime un proche d’Olivier Faure. Soit il se maintient avec un score honorable qui n’aura aucune influence, soit il nous rejoint par cohérence politique et on gagne ensemble, soit il rejoint les opposants par opportunisme. » Le premier secrétaire du parti a notamment échangé avec Boris Vallaud le 22 avril dans l’après-midi. Le rendez-vous n’a rien donné.
Voilà le cap de notre capitaine qui n’a pas démérité. En face, ils proposent comme cap : les rochers.
N. Kienzlen
En attendant, le camp d’Olivier Faure se dit « serein ». Le patron des roses engrange les soutiens comme l’ex-ministre Martine Aubry, l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault, la maire de Saint-Denis (La Réunion) Ericka Bareigts, l’édile de Rennes Nathalie Appéré, ou le patron de la fédération de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel. « Faure communique beaucoup sur ses soutiens. Mais Martine Aubry est une caution, ça ne bouleverse pas le récit de ce congrès », certifie un proche de Nicolas Mayer-Rossignol.
Le premier des roses regarde les divisions parmi ses concurrents avec beaucoup de hauteur. « Je ne sais toujours pas qui est le candidat du conglomérat d’en face. Philippe Brun ? Hélène Geoffroy ? Karim Bouamrane ? Nicolas Mayer-Rossignol ? Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, lance Jonathan Kienzlen, membre de la direction du PS. Le texte d’orientation d’Hélène Geoffroy et celui de Nicolas Mayer-Rossignol nous vendent une convergence depuis l’été dernier. Ils avaient le temps de faire quelque chose, ils n’ont rien fait. Qu’est-ce qu’ils proposent vraiment à part ‘liquider Olivier Faure’ ? Nous, nous proposons une plateforme programmatique avec nos partenaires et un mode de départage. Voilà le cap de notre capitaine qui n’a pas démérité. En face, ils proposent comme cap : les rochers. Et comme capitaine : on n’en sait rien. » La photo de famille, ce n’est pas pour tout de suite.
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