Pour les municipales, les Écologistes en mission
Les Verts rêvent de réitérer leur victoire aux scrutins de 2020. Mais dans un contexte de backlash écologique, où les divisions règnent à gauche, le chemin n’est pas sans embûche.
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© JEFF PACHOUD / AFP
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Ciblés par la droite, les écolos cherchent un chemin sécuritaire Marine Tondelier, combattante de l’unité Congrès écolo : petites nuances stratégiques entre amisMatch retour. Après des victoires importantes en 2020, les Écologistes doivent confirmer leur position. Face à eux se dresse une montagne d’interrogations. Arriveront-ils à s’installer durablement à la tête des grandes villes ? Pourront-ils s’appuyer sur leurs bilans ? Sont-ils perçus comme une alternative politique crédible ? Les élections municipales de 2026 ressemblent à une épreuve de vérité.
En 2020, les Verts profitent de la crise au sein du Parti socialiste (PS), surfent sur leur percée électorale aux européennes un an plus tôt (13,47 %) et s’imposent comme le moteur des rassemblements de la gauche. Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Tours, Poitiers, Besançon, Annecy… Avec la reconduction du maire de Grenoble, les écolos accèdent au pouvoir dans près d’un cinquième des villes de plus de 80 000 habitants. La vague verte submerge la France.
Des résultats qui nourrissent les ambitions d’aujourd’hui. « Nous devons garder les villes dirigées par les écologistes, nous sommes au pouvoir dans une centaine de communes urbaines mais aussi rurales. Nous devons aller chercher d’autres villes dans les périphéries, les banlieues et le milieu rural », estime Benjamin Badouard, coprésident du groupe écolo de la métropole du Grand Lyon et membre de l’exécutif des Écologistes.
La mission n’est pas aisée, car le parti au tournesol a le vent de face. Le score décevant aux européennes ne l’aide pas. Dans les villes écologistes, la liste conduite par Marie Toussaint a fait de meilleurs résultats qu’au niveau national, mais elle a été systématiquement doublée par la liste d’alliance entre le PS et Place publique, ou la liste insoumise. « Les élections de 2020 se sont jouées sur nos thématiques, il y avait des marches pour le climat… Est-ce qu’en 2026 il y aura des sujets porteurs ? Ce n’est pas sûr », réfléchit Olivier Bertrand, adjoint au maire d’Éric Piolle, à Grenoble, et chargé des élections pour les Écologistes.
Les Français voient qu’on est dans une forme de rupture, de radicalité nécessaire, on ne fait pas du Hollande bis.
M. Tondelier
La secrétaire nationale, Marine Tondelier, semble sûre de son parti, qui peut aujourd’hui faire campagne sur des bilans positifs, loin des polémiques du début des mandats municipaux :« Les Français voient qu’on est dans une forme de rupture, de radicalité nécessaire, on ne fait pas du Hollande bis. On a montré qu’on était capables d’améliorer leur quotidien. Il y a eu des travaux, des tâtonnements, mais ceux qui ont promis l’arrivée des chars russes ont menti ! Nous, nous avons tenu nos promesses. »
Briguer des villes moyennes
En interne, le parti a fixé un autre objectif : conquérir des villes de taille moyenne. « On ne peut pas abandonner des zones entières et se concentrer uniquement sur les grandes villes », avance une cadre écologiste. Un comité de coordination réunissant des membres de l’exécutif du parti, des chefs de file partout en France et des maires planche sur une enquête qualitative afin de tester dans l’opinion des politiques publiques écolos. Développement des mobilités douces, mise en place du bio dans les cantines scolaires, végétalisation…
Certes, les grandes orientations politiques des écolos sont déjà connues. « On ne va pas se mettre à chercher des slogans, notre ligne est connue. Ce ne sera pas un programme ou un projet national, mais on donnera des lignes directrices, un récit écologique », annonce Olivier Bertrand. Les Verts rêvent-ils désormais d’écrire la grande histoire de l’écologisme municipal ?
Les écologistes vont se mettre en mode ‘trading’ : s’allier avec les insoumis s’ils sont mieux servis ; tenter de réunir tout le monde dans le cas contraire.
En parallèle, un groupe de travail consacré aux territoires ruraux a été mis en place. « Notre parti doit pouvoir venir en aide juridiquement, politiquement et financièrement aux candidats qui partagent nos valeurs », explique l’adjoint à la mairie de Grenoble. En clair, les écolos pourraient soutenir de nombreuses listes citoyennes sans étiquette dans les villages et petites villes. Les Verts ont donc bien saisi l’enjeu de ce scrutin : perdre ces élections, ce serait perdre du terrain en vue de la présidentielle de 2027.
Dans le parti, certains ont ciblé deux grandes villes : Lille et Paris, deux bastions de gauche où les édiles socialistes sortants, Martine Aubry et Anne Hidalgo, ne se représentent pas. Ainsi, Stéphane Baly et David Belliard se verraient bien diriger une liste d’union de la gauche.
« En 2020, les Verts ont gagné dans certaines villes car les sortants ne se représentaient pas ou changeaient d’étiquette politique. En 2026, ils peuvent gagner de nouvelles communes dans des villes dirigées par la gauche où les maires sortants ne se représentent pas. Les Verts incarnent facilement une alternance au sein d’un même bord politique parce qu’ils ne sont pas perçus comme un parti gestionnaire ou ayant déjà gouverné », estime Florent Gougou, maître de conférences en science politique à Sciences Po-Grenoble.
À Palaiseau (Essonne), ville dirigée par un maire Horizons, le conseiller municipal Gabriel Laumosne rêve de mener une liste unique. La stratégie est similaire à Caen, où l’élu d’opposition Rudy L’Orphelin souhaite mener une liste de rassemblement pour ravir la ville à la droite. À Auxerre, Florence Loury, candidate malheureuse du Nouveau Front populaire (NFP) lors des dernières législatives, se voit bien reprendre le flambeau en 2026. À Nice, la conseillère municipale Juliette Chesnel-Le Roux défend l’union de toute la gauche pour déjouer le duel entre Éric Ciotti et Christian Estrosi.
Néanmoins, dans certaines villes, les cas sont un peu plus complexes. À Nantes, l’écologiste Marie Vitoux, en désaccord avec la maire socialiste Johanna Rolland sur la question des centres de rétention, notamment, pourrait bien se rapprocher de La France insoumise (LFI). À Rennes, les Verts, pourtant membres de la majorité de l’édile socialiste Nathalie Appéré, tentent de faire valoir leur propre programme.
À Montpellier, l’écolo Julia Mignacca plaide pour un accord avec la formation mélenchoniste pour battre le socialiste Michaël Delafosse. À l’inverse, les écologistes nîmois participent à un rassemblement de la gauche excluant les insoumis. Durant l’hiver, un membre du bureau national du Parti socialiste (PS) s’interrogeait déjà : « Les écologistes vont se mettre en mode trading : s’allier avec les insoumis s’ils sont mieux servis ; tenter de réunir tout le monde dans le cas contraire. » « On est plutôt dans des logiques d’union sur le fond. S’unir avec une liste pro-A69 en Occitanie serait compliqué. Mais si une liste d’extrême droite est très forte, on pourrait passer outre ce sujet », considère une cadre du parti.
Artisans de l’unité
De manière générale, les écologistes se posent en artisans de l’unité, mettant au second plan leurs propres ambitions. À Amiens, Brest ou Toulouse, ils sont les casques bleus de la gauche au milieu des rivalités locales. « Notre objectif, c’est qu’un maximum de villes de droite basculent, expose Marine Tondelier. Je ne peux pas accepter que des villes qui n’ont rien à faire à droite le restent car on aurait été incapables de travailler ensemble. Si les socialistes ne veulent pas soutenir un insoumis et que les insoumis ne veulent pas soutenir un socialiste, il y aura toujours un écologiste pour les mettre d’accord. »
On a toujours discuté avec nos partenaires de gauche.
O. Bertrand
Les Verts ont un principe qu’ils ne veulent pas abandonner : la subsidiarité. Comprendre : c’est aux militants locaux de déterminer la stratégie dans leur ville. Néanmoins, certains écolos estiment que la direction du parti pourrait affirmer une position nationale concernant les grandes villes. Une manière d’imposer avant 2027 un récit unitaire face au RN. « On essaie d’avoir un fil conducteur pour les villes de plus de 100 000 habitants. On verra s’il est possible à trouver », avise un écologiste.
Mais un accord national entre tous les partis de gauche semble difficile à imaginer, tant socialistes et insoumis voient ces municipales comme une primaire qui ne dit pas son nom. Et au milieu de ce bras de fer, les écolos sont prisés. D’un côté, les socialistes assurent que les échanges avancent. De l’autre, les insoumis multiplient les appels du pied. « Nous pouvons construire des listes communes dans de nombreuses villes », croit un proche de Jean-Luc Mélenchon. Réponse d’Olivier Bertrand : « On va discuter avec eux. On a toujours discuté avec nos partenaires de gauche. Au soir de la dissolution, si on n’avait pas fait ça, la gauche se serait retrouvée en grande difficulté. » Les Verts verront-ils le vent tourner ?
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