Loi Savin contre le voile dans le sport : en République, la liberté doit rester la règle !
Dans une tribune, le collectif Les Incorrectes, rassemblant des personnalités du monde du sport, du milieu universitaire et de l’espace associatif, appelle les députés et députées « pour qui l’État de droit a encore un sens, à rejeter la loi Savin », visant à interdire le voile dans le sport.

© MOHD RASFAN / AFP
L’élection de Trump nous met en garde : en multipliant les exceptions aux principes démocratiques, en acceptant les discours de rejet et de haine, en inversant volontairement l’esprit et la visée de nombreux principes démocratiques, la voie est ouverte vers un effondrement des libertés. En France, face à cette réalité préoccupante, de nombreux réactionnaires pensent que le vent leur est favorable. La proposition de loi Savin (d’inspiration RN) s’inscrit pleinement dans cette logique liberticide : elle propose de limiter la liberté d’expression religieuse, en cherchant à dévoyer et modifier la laïcité. C’est une nouvelle attaque contre nos principes démocratiques et cela devrait tou.te.s nous inquiéter !
Votée au Sénat en février 2025, la proposition de loi Savin est une loi liberticide et antirépublicaine. Elle vise à légaliser une restriction supplémentaire des libertés fondamentales individuelles et collectives, sous couvert d’une nouvelle laïcité synonyme de contrôle social des expressions, des corps et des opinions qui va dépasser le simple cadre du sport. Il faut s’opposer et résister à cette idéologie qui, loi après loi, exception après exception, espace après espace, s’impose comme une nouvelle norme et vise à faire disparaître petit à petit la neutralité de l’État, l’égalité entre les cultes, la liberté religieuse et la liberté de s’associer.
Ceux et celles qui instrumentalisent la laïcité aujourd’hui sont les ennemis historiques de la laïcité.
Le principe de laïcité repose sur 3 piliers : la neutralité de l’État, la liberté religieuse (liberté de croire et de ne pas croire) et l’égalité entre les cultes. Il découle d’une loi de liberté qui s’est imposée face à des opposants réactionnaires et antireligieux. Depuis plusieurs années maintenant, malgré les alertes et résistances des réseaux laïcs historiques, les héritier.es de ces courants se présentent comme les « défenseurs de la République » et même de la laïcité, et tentent de redéfinir la laïcité aux antipodes de ses fondements initiaux et de ses usages historiques au moyen d’une inflation législative.
Disons les choses sans détour, ceux et celles qui instrumentalisent la laïcité aujourd’hui, sont les ennemis historiques de la laïcité et ont pour objectif de la faire disparaître progressivement. Ces offensives contre la laïcité se ressemblent, elles ont pour argument le danger que représente la figure de la musulmane et du musulman pour nos libertés et notre sécurité. Outre-Atlantique, le président Donald Trump avait voté un Muslim Ban lors de son premier mandat avec les mêmes arguments !
Le populisme conservateur et autoritaire en est le point commun, il renforce les discriminations et les exclusions grâce à la polarisation et à la stigmatisation à l’égard des musulmans et des musulmanes en dépit de la liberté d’expression religieuse qui est une liberté fondamentale. Comment peut-on, au nom de la laïcité, justifier de traiter les citoyen.ne.s comme des agents de l’État ? Si l’État est neutre, c’est justement pour garantir et respecter la diversité protégée en société.
Cette instrumentalisation ne sert qu’un objectif : rogner les libertés et imposer des lois toujours plus répressives et antisociales.
La laïcité n’a jamais été un instrument légal de discrimination sexiste, islamophobe et antisémite ni un moyen de contrôle des sphères privées, publiques et intimes. Pourtant, au nom de la lutte contre le terrorisme ou encore au nom des droits des femmes, la laïcité est invoquée pour justifier de nouvelles interdictions. À l’instrumentalisation de la cause des femmes et au sexisme de cette loi, s’ajoutent le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qui servent de paravents à un projet de destruction en règle des droits et libertés. Comment peut-on, « au nom des femmes », justifier qu’on exclut des sportives des terrains de sport ? Personne ne s’émeut que des femmes en majorité soient autant stigmatisées. Pourtant quand les exceptions deviennent la règle, ce sont nos libertés à tou.te.s qui sont menacées.
Mais nous ne sommes pas dupes, il faut refuser cette logique d’exception permanente. Il faut refuser que les restrictions trop fréquentes des libertés deviennent la règle. À chaque fois qu’une réforme antisociale ou une période d’austérité menace notre subsistance, elle s’accompagne d’une offensive sur les libertés qui divise. Et ce cycle ne date pas d’hier : après la réforme des retraites de 1995, après la crise financière de 2008, après la énième réforme des retraites de 2023, et aujourd’hui, en 2025 avec la crise budgétaire et économique qui menace notre pays. Cette instrumentalisation ne sert qu’un objectif : rogner les libertés et imposer des lois toujours plus répressives et antisociales. Cette fois-ci en trouvant comme espace de croisade, le sport.
Nous appelons les députées et députés pour qui l’État de droit a encore un sens, à rejeter la loi Savin et à stopper cette mécanique qui détruit notre démocratie, ses principes fondamentaux, nos droits et nos libertés.
Le collectif Les Incorrectes
Nous sommes Les Incorrectes, un collectif engagé rassemblant des personnalités du monde du sport, du milieu universitaire et de l’espace associatif. Nous nous référons au combat d’Alice Milliat, pionnière oubliée qui, face aux interdits et aux résistances de son époque, a imposé la place des femmes dans le sport. Dans son sillage, nous portons une conviction forte : les batailles pour l’égalité ne sont jamais vraiment gagnées. L’histoire d’Alice Milliat nous rappelle que les avancées ne tiennent qu’à la détermination de celles et ceux qui refusent de se plier aux normes arbitraires. Aujourd’hui encore, dans le sport comme ailleurs, les résistances persistent, les obstacles se renouvellent et les mêmes arguments sont opposés à celles qui veulent concourir à armes égales. Les Incorrectes, c’est donc une voix collective qui refuse de se taire. Nous questionnons les structures, dénonçons les inégalités, les discriminations et revendiquons une place pleine, entière et digne pour toutes les femmes dans tous les espaces où elles sont encore minorées. Notre engagement s’appuie sur des expertises variées, issues de nos parcours respectifs : athlètes, universitaires, entraîneur·e·s, chercheur·e·s, militant·e·s associatif·ve·s. Ensemble, nous voulons faire résonner la mémoire d’Alice Milliat pour mieux éclairer les combats contemporains. Car être « incorrecte », hier comme aujourd’hui, ce n’est pas un affront. C’est une nécessité.
Signataires
Abdellilah Djihène : Championne du monde de grappling
Bahoui Farah : Équipe de France de Roller Derby
Belkhadra Sabrina : double championne de France de boxe
Boetti Mélina : Association Little Miss Soccer
Cissoko Aya : Triple championne du monde de boxe et autrice
Collectif Basket Pour Toutes
Couette Anaïs : La Coupe Bernard Tapine
Delamarre Amélie : Athlète de l’équipe de France de Roller Derby
Diniz Yohann : Ancien athlète de haut niveau
Eberena Sylvie : Athlète et coach
Fitriya Mohamed : Muslim Women’s Summer Basketball League (MWSBL)
Jaafar Greinch : Administrateur association sportive
Les degommeuses
Houara d’Hommeaux Jessica : Ex-joueuse de l’Equipe de France de Football
Morrissey Amandine
Marilys Gouaux : Athlète de l’équipe de France de roller Derby
Noseda Veronica : Militante féministe, co-fondatrice Les Dégommeuses
Parisi Claire : Basketteuse professionnelle
Raynaud Anaïs : présidente les Quads de Paris Roller Derby –
Schmitt Anne : LMS
Shireen : Hijabi Ballers
Zemri Sara : Athlète
Alestra Léane : Journaliste
Akakpo Loïck : Formateur
Ashpool Stéphane : Designer
Aribi Inès : Juriste et militante
Atas Arif Emre : Responsable associatif
Barbusse Béatrice : sociologue
Bastide Lauren : Journaliste
Bakir Lauren : Docteure en droit public
Bouzols Julie : Étudiante
de Villepin Quitterie : Militante pro-démocratie
Diallo Rokhaya : Journaliste
Dickman, Tara : Formatrice Laïcité et Valeurs de la République du CNFPT
Ewanjé-Epée Monique :Entrepreneure
Felletti Daniela : Consultante en Diversité, l’Équité et l’Inclusion
Grzybowski Samuel : Spécialiste de la laïcité
Hathroubi Samia : Chercheuse
Ka Amadou : Conseiller municipal à Creil
Karimi Hanane : Sociologue
Linger Catherine
Mahfoud Amara : Universitaire
Makonda Tripy : Éducateur
Prévost Candice : Consultante Inspire
Rousseau Juliette : Autrice
Sy-Valde Barry : Chargé de formation dans une ONG de défense des droits humains
Tall Moussa : Chargé d’affaires
Tlili Haïfa : sociologue
Aden Nasteho : Conseillère municipale et territoriale Stains
Balage El Mariky Léa : Députée écologiste de Paris
Douay Jean-Claude : Co-animateur GA LFI Clermont Insoumise
Elonguert Jessica : Conseillère municipale
Keita-Gassama Fily : Conseillère municipale
Niangané Samba : Conseiller municipal
Sebaihi Sabrina : Députée des Hauts-de-Seine
Yaffa Mams :Adjoint au maire
Yaqoob Omar : Militant LFI
Benamrouche Johanna-Soraya : Co-fondatrice de l’Observatoire Féministe des Violences Médicales
BENNANI Sarah : La Jeunesse Populaire
DJAFFAR Abdoulbar : Destins Liés
El Ouariachi Camélia : Directrice générale de Destins Liés
ES SLASSI Ghizlane : Réseau de Solidarité des Quartiers
Féministes contre le cyberharcèlement
Florand Eric : Association Alice Milliat
Gaetan : Génération Panasiatique
Hara-Bouclet : Dirigeante Eveil Num
Khlass les Clichés
Laîla : Destins Liés
Pagiras Camille : Union Étudiante de Grenoble
PARISI Philippe : FPE
Popal Khalida : Girl Power Organisation
Rogier Lily : Présidente ANESTAPS
Manar Achraf : Président de Destins Liés
Mokrani Karima : Relève Féministe
Nous Toutes
Saitouli Sanaa : Co fondatrice Banlieues Climat
Sexprimons-Nous
TIRERA Slimane : Fondateur du GIST
Verba Daniel : Secrétaire général de la Vigie de la laïcité
ZERBOUHI Salomé : Présidente de Droit dans les Yeux
ZOUAK Sarah :Co-fondatrice et directrice Lallab
ZOUAK SEDDIKI Nawal : Fondatrice Inclusivité·es & Balance Ton Boss
ZOUAOUI Imen : Destins Liés
Zuber Valentine : Présidente de la Vigie de la Laïcité
Linn Katie Little Miss Soccer
HÉRAULT Morgane Athlète
Diandra Tchatchouang Présidente de l’association Take Your Shot
Tetart Lorelei Présidente de l’association Thé Doudou Project et éducatrice U15F au Stade Brestois
PARISI Jacques Professeur des écoles
BONNET Nicolas Député
Les Hijabeuses Association sportive et militante
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