Services publics : radiographie d’un désengagement

Fermetures, suppressions, éloignement : les services publics disparaissent peu à peu du quotidien. Une tendance à découvrir en infographie sur trois secteurs.

Maxime Sirvins  • 2 juin 2025 abonné·es
Services publics : radiographie d’un désengagement
Loin de l’idéal républicain d’égalité, la carte des services publics reflète celle des fractures sociales et territoriales.
© Maxime Sirvins

La carte des services publics en France s’est profondément dégradée en quelques décennies. Maternités, écoles, tribunaux, gares, bureaux de poste, etc. : leur présence sur le territoire s’estompe, leurs moyens se réduisent et leur accès devient plus inégal. Cette transformation affecte tous les domaines essentiels à la vie quotidienne des Français·es. Voici plusieurs exemples concrets en infographies.

Une santé publique sous pression

Dans le domaine de la santé, la désertification territoriale n’est plus un horizon lointain : elle est déjà réelle. Le nombre de maternités a chuté de 67 % entre 1975 et 2022, passant de 1 369 à 446 établissements. Cette tendance touche surtout les zones rurales, où les fermetures des petites et moyennes maternités s’accumulent. Les conséquences sont immédiates : allongement des trajets, retards de prise en charge et multiplication des « accouchements inopinés » sur la route.

(Infographies : Maxime Sirvins.)

Dans le même temps, les hôpitaux ont perdu près de 43 000 lits entre 2013 et 2023. La capacité d’accueil a été progressivement réduite, y compris dans des spécialités cruciales. Cette baisse structurelle s’inscrit dans une logique de rationalisation défendue par les gouvernements successifs, mais elle entre en collision directe avec le vieillissement de la population et la hausse des pathologies chroniques.

Sur le même sujet : Dans le Lot, loin des maternités, elles luttent pour donner la vie

Les services d’urgence, en première ligne, subissent également une dégradation alarmante. Durant l’été 2023, 163 services d’urgence sur 272 établissements ont été contraints de fermer au moins une fois, principalement en raison d’un manque de personnel, d’après une enquête du syndicat Samu Urgences de France. 43 % de ces fermetures ont été répétées plus de dix fois au cours de l’été. Cette crise touche 60 départements. Par ailleurs, près de 70 % des SMUR ont dû fermer au moins une ligne pendant la même période, compromettant leur capacité à intervenir efficacement.

Une école fragilisée, aux classes toujours plus chargées

Le constat n’est pas plus encourageant dans l’Éducation nationale. Entre 2005 et 2023, plus de 7 000 écoles ont fermé en France, souvent dans les zones rurales. Les conséquences de ces fermetures pèsent particulièrement sur les familles des territoires les plus isolés, qui doivent parfois organiser des trajets quotidiens considérablement allongés pour leurs enfants.

En parallèle, le nombre moyen d’élèves par classe reste parmi les plus élevés d’Europe. En 2023, les collèges français comptaient en moyenne 26 élèves par classe, contre 21,4 en Allemagne ou 19,4 en Suède. Dans les lycées généraux, les chiffres grimpent à plus de 30 élèves par classe. Cette situation pèse sur les conditions de travail des enseignants et sur l’accompagnement pédagogique des élèves, notamment les plus fragiles.

Sur le même sujet : « L’Éducation nationale est la plus grande enseigne de bricolage du pays »

Pourtant, les suppressions de postes se sont également accélérées. Entre 2022 et 2024, 6 000 postes ont été supprimés dans l’Éducation nationale. Le budget 2025 avait initialement prévu 4 000 suppressions supplémentaires avant d’être finalement annulées début janvier par le gouvernement.

La Poste : une présence territoriale sacrifiée

Troisième pilier de cette érosion : le réseau postal. En 1980, on comptait 17 000 bureaux de poste de plein exercice en France. En 2024, il n’en restait plus que 6 985. Cette réduction de 60 % a été compensée partiellement par des relais et agences communales, mais ces points de contact ne garantissent ni le même niveau de service, ni les mêmes horaires d’ouverture.

En parallèle, le prix du timbre n’a cessé d’augmenter. De 0,57 € en 2011, le timbre vert est passé à 1,39 € en 2025, soit une hausse de 144 %. Cette hausse répond à la baisse du volume de courrier et au besoin de maintenir un service universel, mais elle pèse sur les usagers, notamment les plus âgés et les ruraux. L’accessibilité, la présence humaine, la régularité : tous les repères du service public postal sont mis à l’épreuve. La dématérialisation, promue comme modernisation, devient un facteur d’exclusion, particulièrement pour les personnes âgées.

Une trajectoire assumée

À mesure que reculent les guichets, les lits, les classes et les boîtes aux lettres, ces évolutions dessinent les contours d’une France à plusieurs vitesses. Cette restructuration silencieuse redessine la géographie française. Cette reconfiguration touche inégalement le territoire. Les zones rurales et les petites villes subissent de plein fouet les fermetures, tandis que les métropoles voient leurs services publics maintenus, si ce n’est renforcés. Loin de l’idéal républicain d’égalité, la carte des services publics reflète désormais celle des fractures sociales et territoriales.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous