Affaire Pérol : une conséquences des dérives de BP et CE
Notre ami Michel Abhervé sur son blog d’Alternatives économiques nous livre une analyse comme à l’habitude pertinente sur les racines de « l’Affaire Pérol ». _ Nous la publions en enrichissement des articles que nous avons déjà publié sur notre blog.
François Pérol n’est pas le responsable de l’éloignement des Caisses d’Epargne et des Banques Populaires des valeurs coopératives. C’est au contraire cet éloignement qui lui a permis d’être nommé à la tête du groupe**
Au moment de l’ouverture de François Pérol, patron de BPCE accusé de prise illégale d’intérêt pour avoir accédé à la présidence d’un groupe bancaire dont il est accusé d’avoir exercé la surveillance en tant que secrétaire général de Élysée, la question de la nature coopérative du groupe est posée
De ce point il est inexact d’accuser François Pérol d’avoir attaqué ce caractère coopératif depuis sa nomination, puisque c’est, tout au contraire, l’affaiblissement de la pratique coopérative, tant au sien des Caisses d’Épargne que des Banques Populaires qui lui a permis d’accéder aux responsabilités
Cette distanciation a même été théorisée par celui qui présidait à l’époque les Caisses d’Épargne, Charles Milhaud qui revendiquait les avantages des banques coopératives sans pour autant accepter la logique qui doit en être la contrepartie, la responsabilité des sociétaires qu’il ne reconnaissait d’aileurs que comme clients, comme nous l’avons analysé avec Pierre Dubois dans un article publié par le CIRIEC Canada, “Retour sur les banques coopératives, grâce à Charles Milhaud”
C’est cet éloignement qui a conduit ces deux banques à s’engager résolument dans l’aventure Natixis, montrant une exceptionnelle inconscience des risques, face à l’appât du gain facile, comme nous l’avons écrit dès 2008 dans Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ?
” En créant une filiale commune, qui est une société par actions cotée en Bourse (et en ce moment fort mal cotée : pauvres actionnaires qui ont cru les promesses mirifiques de leur banquier) ces deux groupes ont cru qu’ils allaient gagner beaucoup d’argent et que cela valait la peine pour cela de s’extraire du champ, contraignant et protecteur, des statuts de l’économie sociale.
Ils ont donc perdu tout à la fois leur argent (et celui de leurs sociétaires) et leurs valeurs.”
C’est aussi cet éloignement qui les a fait oublier une des valeurs de l’ESS, l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics (voir Le renvoi de François Pérol en correctionnelle conséquence du mépris d’un principe de l’ESS), ce qu’affirme très clairement la Charte Européenne de l’Économie Sociale qui mentionne “l’autonomie de gestion et l’indépendance par rapport aux pouvoirs publics”
A cet éloignement doit s’ajouter l’incompétence de ceux qui exerçaient la responsabilité. Charles Milhaud a crié au complot quand il a été écarté après que, sous sa responsabilité, la banque n’ait pas perdu moins de 700 millions d’euros suites aux agissements d’un Kerviel au petit pied
Quant à Philippe Dupont, qui présidait les Banques Populaires, et s’est accroché longtemps à son poste (voir Philippe Dupont s’en va. Enfin !) , il a prouvé son incompétence en conduisant à l’échec Isodev qu’il avait crée, fort de son expérience (voir Échouer dans la banque conduit à la philanthropie : Philippe Dupont et Pierre Richard), conduisant à la volatilisation de 18 millions d’euros en deux ans et demi. On se sent rassuré sur la gestion de la Fondation de France, dont il est le trésorier, selon l’organigramme en ligne !
Si François Pérol n’a pas fait grand chose pour faire retrouver à cet ensemble bancaire la voie de pratiques coopératives que ses prédécesseurs avaient ignorées, il a au moins sur eux l’avantage d’une compétence qui a permis de redresser des établissements que l’incompétence de ces responsables avait jeté dans les bras de l’État
Ce constat n’empêche pas de trouver normal que la justice se prononce sur les conditions de la nomination de François Pérol, en raison de la non consultation de la commission de déontologie des fonctionnaires, a priori compétente pour les membres de cabinets ministériels.
L’argument invoqué, l’urgence semble de peu de poids puisque le rapport annuel de la commission précise que “En cas d’urgence, la commission est organisée pour instruire rapidement les dossiers, l’expérience ayant montré qu’une semaine était toutefois nécessaire afin de pouvoir réunir l’information utile”*
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