La recette de guerre de ma grand-tante Angèle
Vous êtes confinés chez vous et vous avez du temps à revendre. Pourquoi ne pas le passer en partie dans la cuisine ? Je vous propose un rendez-vous culinaire pour assaisonner vos journées : des recettes à réaliser avec des produits du placard ou faciles à trouver dans son périmètre de confinement. Aujourd’hui, la « salade rose », ou la recette de guerre de ma grand-tante Angèle.
À la guerre comme à la guerre ! La vraie, celle du siècle dernier, pendant laquelle on inventait des recettes de pénurie. Comme la « salade rose » roborative de ma grand-tante Angèle.
Le mystère de la salade rose
Il y a pire secret de famille. Chez moi, ça se chuchote gravement depuis trois générations et ça s’appelle la « salade rose ». Ce n’est pas une salade et ça n’est pas vraiment rose, mais à quoi ça sert d’être un secret si on ne peut pas avoir sa part de mystère ? Premier maillon de l’histoire : la grand-tante Angèle, en son Limousin. Le contexte est simple : c’est la guerre et y a rien à bouffer. Ah si, tiens, des patates et des betteraves. Faut-il que les circonstances soient exceptionnelles : c’est la première fois depuis l’invasion allemande que la recette sort de la famille…
Ce qu’il vous faut pour 6 personnes
– 500 g de grosses patates à soupe pas prétentieuses (donc pas de ces rattes brossées à la main et vendues en petit panier ridicule, rappelez-vous : c’est la guerre et vous n’avez pas un rond)
– 500 g de betteraves crues (bon, vous pouvez acheter des betteraves déjà cuites si vous voulez, tante Angèle ne risque pas de revenir vous engueuler)
– Huile, vinaigre, moutarde, sel et poivre
– Mayonnaise
– En option : anchois en boîte, olives, cornichons…
La salade rose en 5 étapes
1. Épluchez les pommes de terre et les betteraves et faites-les cuire séparément. Surtout, ne lavez pas les patates, malheureux, c’est l’amidon qui fait tout.
2. Égouttez-moi bien tout ça (il doit y avoir le moins de liquide possible, sinon ça ne prendra pas bien) et écrasez le tout au bon vieux presse-purée ou, mieux, au moulin à légumes manuel (oui, ce truc métallique qui traîne quelque part dans un de vos tiroirs et que vous n’arrivez jamais à remonter après vous en être servi). Surtout pas de mixeur, hein, sinon la patate sera mouligasse (maman, sors de là).
3. Mélangez avec une vinaigrette bien relevée et assez épaisse grâce à la bonne quantité de moutarde que vous y aurez flanquée. Allez-y franchement sur le vinaigre : la patate, c’est bien connu, ça boit (maman, qu’est-ce que je t’ai dit ?). Salez et poivrez.
4. Tassez le tout dans votre moule et placez au frigo. Au bout de plusieurs heures (le lendemain, idéalement), démoulez et admirez votre belle œuvre violacée qui va bien caler son confiné, je peux vous le dire.
5. Coupez en tranches généreuses et servez avec une mayonnaise (maison, vous avez le temps…).
Le petit détail qui change tout
Sous les Trente Glorieuses, la recette de guerre de ma grand-tante Angèle s’est un peu embourgeoisée. Ma mère et mes tantes, dans leurs cuisines en formica orange, ont commencé à disposer dessus des anchois, ou des olives, ou des cornichons… Vous ferez bien comme vous voulez, mais, pour moi, les anchois, c’est le bon choix.
Triche autorisée
Les secrets de famille, on le sait, ont leur lot de sourdes rivalités. Parmi ceux-ci : qui de ma mère ou de ses quatre sœurs la réussit le mieux, la salade rose ? En d’autres termes, qui la fait la plus compacte ? Chacune a sa petite tricherie. Ma mère ajoute 4 feuilles de gélatine ramollies à l’eau froide puis dissoutes dans un jus de citron chaud, Mireille glisse le plat une demi-heure au congélo avant de le démouler… Ma tante Annie, elle, ne fait rien. Ça marche, c’est tout (on appelle ça le génie)…
À vous de jouer
En même temps, même un peu raté, c’est super bon, la salade rose. Au pire, si ce n’est pas très ferme, vous la tartinerez sur des toasts. Et puis, à force de recommencer, vous y arriverez sûrement. Et là, je veux absolument voir les photos.
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