De l’eau publique pour Paris

Patrick Piro  • 20 novembre 2008 abonné·es

Retour officiel de l’eau dans le giron du public, à Paris : c’est presque fait, histoire d’un vote de formalité, lundi 24 novembre, par un conseil de la ville dont la majorité PS-Verts-PC est unanimement acquise au projet de création d’une régie municipale. Elle avait été annoncée l’an dernier par le maire Bertrand Delanoë, alors candidat à sa succession, dans une déclaration qui avait fait sensation (Voir Politis n° 975). Jusqu’alors, seule la production de l’eau était sous régime municipal, gérée par la petite société Eau de Paris, dirigée par Anne Le Strat, adjointe au maire et ex-militante Verte. Mais le très gros morceau, la distribution de l’eau et ses 1 800 km de canalisations, ainsi que la facturation aux clients, était détenu par deux filiales de Veolia et de La Lyonnaise-Suez, dont le contrat arrive à échéance fin 2009.
L’écho de ce choix politique, alors que s’effrite l’idée encore largement partagée en France que les services de l’eau ne sauraient être correctement gérés que par le privé, sera guetté dans les 142 municipalités du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) : elles doivent se prononcer le 11 décembre sur la reconduction de la délégation de la distribution de l’eau à la plus grosse filiale française de Veolia (Voir Politis n° 1023). À Paris, le vote du Nouveau Centre sera dûment interprété : son président, André Santini, tient aussi le Sedif, et milite ouvertement pour la délégation au privé.

Anne Le Strat, qui présidera la nouvelle régie parisienne, est déjà aux prises avec ses premiers soucis. Il lui faudra réussir l’intégration, dans la nouvelle structure, de fonctionnaires (issus d’Eau de Paris et d’autres services de la ville) et de salariés du régime privé (venus des filiales de Veolia et de Suez, mais aussi d’Eau de Paris pour certains), qui devront avoir accepté une convention collective unique d’ici à 2012.
Au nom de « l’efficacité », mais aussi par contrainte juridique, ce n’est pas un pur service municipal qui sera créé, mais une régie « à autonomie financière et personnalité morale » : dirigée par des fonctionnaires de la ville [^2], elle aura une liberté de manœuvre importante, notamment pour embaucher sous statut privé. Un choix critiqué par quelques syndicalistes du public. Mais la vraie bronca, Anne Le Strat l’a essuyée il y a un mois devant l’Observatoire parisien de l’eau, instance de concertation qui regroupe des usagers, des élus, des syndicats et des partenaires de la ville. À la diatribe antirégie d’un élu UMP ont répondu les applaudissements d’une vingtaine de syndicalistes du privé – de Veolia et Suez, surtout –, qui se déclarent inquiets pour leur avenir au sein de la régie. Ils pourraient mener une action coup-de-poing lors de la réunion du conseil de Paris. Du côté des partisans de la municipalisation de l’eau, on soupçonne une tentative de déstabilisation venue des deux mastodontes de l’eau, qui ne seraient pas mécontents de prendre une revanche sur Paris.

1: Le conseil d’administration comportera aussi des représentants d’association.

Écologie
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