Un congrès imprévisible

Alors que les socialistes votent dans leur section, le 6 novembre, aucune motion n’est en mesure de l’emporter seule. Et le suspens sur l’issue du congrès de Reims est total.

Michel Soudais  • 6 novembre 2008 abonné·es

*Lire aussi **« Des contre-propositions rouges et vertes »*

Le congrès de Reims se joue le 6 novembre. C’est en effet ce jeudi que les socialistes doivent choisir, dans leurs sections, entre les six motions d’orientation politique en compétition. L’éclatement du bloc majoritaire sur lequel s’appuyait François Hollande pour gouverner le PS depuis 1997 et le fait que le Premier secrétaire ait décidé de ne pas se représenter ont ouvert le jeu. Pour la première fois depuis Épinay, les adhérents doivent arrêter une ligne politique, décider d’une stratégie et choisir un leader pour les appliquer. C’est beaucoup d’enjeux pour un scrutin à l’issue imprévisible.

Illustration - Un congrès imprévisible


Qui peut l’emporter ? Seule certitude : aucune motion ne peut obtenir la majorité à elle seule. Saget/AFP

Quel sera le taux de participation ? C’est la première incertitude de ce scrutin. Au congrès du Mans, en 2005, 83 % des militants avaient pris part au vote. Le PS comptait alors 127 000 adhérents. L’introduction de la primo-adhésion à 20 euros a tout chamboulé. Le PS compte désormais « 233 000 adhérents en situation de pouvoir voter » : 167 953 militants à jour de cotisations et 65 000 encartés en droit de voter à condition qu’ils se mettent à jour de leurs cotisations le jour du vote. Beaucoup n’ont participé à aucune des activités de leur section, parfois depuis 2006. Combien accepteront de faire un chèque de 50 à 100 euros en moyenne pour voter ? Nul ne peut le dire. La lassitude et l’atonie ont aussi gagné les militants réguliers : de l’avis général, la participation aux débats dans les sections et fédérations est restée faible. Du coup, les « pointeurs » du parti tablent sur une participation de 120 000 à 130 000 votants.

Que décide le scrutin du 6 novembre ? Le résultat de ce vote à bulletin secret, qui se tient entre 17 h et 22 h, est crucial à deux titres. Le score de chaque motion détermine sa représentation dans les instances de direction nationale, départementales et locales ; celle-ci se fait à la proportionnelle avec l’obligation toutefois de dépasser la barre des 5 % dans au moins 15 fédérations pour être éligible à la direction du parti. Ce vote attribue aussi à chaque motion un nombre de délégués au congrès qui se tient du 14 au 16 novembre, dans la capitale champenoise. En l’absence de majorité claire en faveur d’une motion, lors du vote de ce jeudi, il leur reviendra alors de dégager une coalition susceptible de diriger le PS d’ici au prochain congrès.

Qui peut l’emporter ? Seule certitude : aucune motion ne peut obtenir la majorité à elle seule. Bien malin celui qui pourrait prédire qui de Bertrand Delanoë, Ségolène Royal ou Martine Aubry prendra l’ascendant. Sur le papier, le rapport des forces entre ces trois-là, tous issus de la majorité sortante, est équilibré. La motion du maire de Paris revendique le soutien de 33 secrétaires ­fédéraux, 120 parlementaires et 6 présidents de région. Celle de la présidente de Poitou-Charentes a l’appui de 32 premiers fédéraux, 60 parlementaires, 140 maires de communes de plus de 5 000 habitants et 3 présidents de région. Celle de la maire de Lille est signée par 28 secrétaires fédéraux, 102 parlementaires, près de 500 maires et 8 présidents de région. Ces motions revendiquent respectivement les signatures de 5 500, 11 000 et 10 000 militants. Des chiffres difficilement vérifiables. Depuis la fin de l’été, Bertrand Delanoë est le favori des sondages – réalisés auprès des sympathisants socialistes, ils n’ont pas grand sens, cependant ils peuvent influencer le vote des militants –, mais n’a pas l’appui de grosses fédérations contrairement à Ségolène Royal (Bouches-du-Rhône, Hérault) ou Martine Aubry (Pas-de-Calais, Nord, Seine-Maritime).
Le score de la motion de Benoît Hamon est une autre inconnue. L’eurodéputé de 41 ans, qui a réussi à fédérer toute l’aile gauche du parti, une première, rêve de s’immiscer entre les trois poids lourds. La crise économique et l’effondrement du tout-libéral devraient lui donner des ailes. Mais il ne suffit pas d’avoir une vraie base militante pour s’imposer dans un parti où le poids de l’appareil et des élus est déterminant.

Quels scénarios d’ici Reims ? L’absence de majorité, le 6 novembre, va contraindre les différents courants à discuter pour tenter, par des alliances, de former une majorité. Une « synthèse générale », comme au congrès du Mans, est exclue : personne n’en veut. Improbable aussi le scénario d’Épinay, quand François Mitterrand (15 %), allié à Pierre Mauroy et Gaston Defferre (30 %) et Jean-Pierre Chevènement (8,5 %), avait arraché la direction du PS à Alain Savary et Guy Mollet (34 %) : les statuts stipulent, depuis une réforme de Lionel Jospin, que c’est autour de la motion arrivée en tête que doit s’opérer le rassemblement.
Dès lors, toutes les combinaisons sont envisageables. Les leaders de motion ne s’étant rien interdit avant le scrutin, les tractations iront bon train jusqu’à Reims pour tenter de former une coalition d’ici au congrès. Dans le cas, très probable, où aucun des trois leaders en vue n’émergerait nettement, il faudra aussi trouver un candidat au poste de Premier secrétaire acceptable. Les outsiders peuvent encore y croire.

Politique
Temps de lecture : 5 minutes